10 février 2009

La Pause se renouvelle!

Vous pouvez désormais lire La Pause en français et en espagnol sur notre nouveau site internet:
http://www.lapause.eu/

03 janvier 2009

Dans l'atelier de Ricardo Mosner

Depuis décembre 2006, La Pause assure le lien avec ses lecteurs, en présentant chaque mois un sujet qui traverse l’Argentine et la France.
Cette revue poursuit ainsi le chemin de rapports culturels, sociaux et politiques entre l’Argentine et la France en vous proposant chaque mois la lecture d’un nouveau numéro. Cette fois-ci nous allons donner la place à un grand artiste argentin qui habite depuis longtemps à Paris. Ricardo Mosner accompagne La Pause dès son commencement avec ses dessins, il a illustré plusieurs des sujets que nous avons traités au cours des divers numéros.
La Pause est entrée dans son atelier pour mieux connaître son univers et pour pouvoir offrir à nos lecteurs un peu de la magie que dégage cet artiste.
Nous vous invitons donc à « faire de l’art » dans ce numéro de janvier 2009.
Bonne lecture !

Ricardo Mosner nous invite à voyager dans «El Colectivo»

Il nous ouvre les portes de son atelier où la lumière et les couleurs nous obligent à entrer dans son univers de toiles, de livres, de radios, de scénarios, de théâtre et de peintures…Parce qu’il n’est pas qu’« un peintre », il traverse toutes les disciplines pour devenir un acteur, un écrivain, un peintre, en fait, pour devenir « un grand artiste ». Il a réalisé les images d’ouvrages tels Ubu Roi d’Alfred Jarry, paroles libertaires d’Etienne Roda-Gil et illustré les ouvrages d’auteurs, tel Michel Butor.
Étant Argentin, pourquoi habite-t-il à Paris ?
« Dès mon enfance, je rêvais d’habiter un jour à Paris, et chaque fois que j’entendais quelqu’un parler français, je le suivais pour le voir, l’observer… ». Ce sont ses propres paroles qui apportent la réponse lors d’un entretien effectué récemment.
Ricardo Monser est arrivé en Europe et rapidement il a commencé à jouer du théâtre dans la rue. En Argentine, il ne pouvait pas faire ce genre d’expressions artistiques car ce n’était pas bien vu. En revanche, en Europe, il a trouvé des gens qui l’ont accompagné dans différents projets et dans différents pays avec qui il a partagé le même goût pour l’art.
Une fois arrivé à Paris, qui est devenu son point fixe, Mosner s’est introduit dans le monde des peintres et des peintures. Il se met en contact avec des artistes argentins qui travaillent à Paris et en même temps, il commence à exposer : L’Amérique Latine à Paris au Grand Palais, aux Ateliers de l’ARC, au Musée d’Art Moderne, à la Xlll°Biennale de Paris, Les Murs Peints au Centre Pompidou, entre autres.
Il a réalisé cent quarante expositions personnelles en France et à l’étranger.
Son lien avec l’Argentine a commencé à se développer, ici, à Paris, par ses œuvres et ses collègues et amis argentins. Il a conçu une vision personnelle de l’Argentine grâce à la distance et au temps. Cette relation se reflète aussi bien dans ses travaux personnels comme dans les sujets qu’il propose aux membres de l’association organisée sous le nom de « El Colectivo ».

« El colectivo »

Ce nom est typiquement argentin, il désigne, entre autres choses, le « bus », c’est-à-dire un moyen de transport très populaire que l’on trouve dans les rues argentines, le jour et la nuit. Leurs particularités : les chauffeurs décorent leur sorte de « bureau» -leur cabine- avec des photos, des objets personnels qui les identifient.
La plupart des peintres de « El Colectivo » proviennent de Buenos Aires, Cordoba, Rosario. Ce ne sont pas toujours les mêmes , cela dépend des expositions. Parmi ces artistes, nous pouvons nommer : Ruben Alterio, Andrea Pat, Alberto Bali, Haby Bonomo, Rafael Bueno, Brenda Hoffman, Pablo Katz, Julio Le Parc, Fernando Maza, Antonio Segui, Roberto Platé, Jack Vanarsky, entre autres. Des artistes français et hollandais ont aussi été invités à se joindre pour ce voyage.
Chacun travaille de son côté et, au moment où une proposition surgit, ils se retrouvent autour d’un sujet et chaque peintre expose son point de vue, en totale liberté de choix.
C’est « Autour de Cortázar » (2004), au Café El Sur, où ils ont travaillé leur premier thème et qui a défini, en même temps, les objectifs du groupe.
Qui était Cortázar ? Entre autres, un écrivain argentin, résidant en France qui vivait entre les deux pays. Il était aussi Argentin que Français. Ses livres décrivent très bien la vie parisienne à la façon argentine.
Alors, cette première exposition de « El Colectivo » a illustré remarquablement l’esprit de ces artistes argentins à Paris.
Ils ont continué leur parcours en traitant différentes thématiques; « Mythologies Argentines, Muestra de Verano, Gardel» (2005), « Carne» (2006) au Café El Sur, « El Colectivo & ses voyageurs invités» (2006) à la Maison d’Argentine de la Cité Universitaire Internationale de Paris, « Dans la nébuleuse de Borges» et « Cinq ans au Café El Sur» (2007), « L’Etre Argentin» (2007-2008) à la Galerie Argentine de l’Ambassade de la République Argentine, en France, «Baisers d’Artiste» (2007-2008) au Café El Sur, « 80 ans» (premier volet, 2008) à l’occasion du 80°anniversaire de la Maison d’Argentine de la Cité Universitaire Internationale de Paris et «Reflejos» (2008), deuxième volet de cette même commémoration.
Cette dernière exposition peut être visitée du lundi au vendredi, de 10 à 13h et de 14 à 19h, entrée libre.

« El Colectivo » fait son premier voyage en Argentine.
Après cinq ans d’avoir parcouru la ville de Paris, « EL Colectivo » fait un détour de son trajet habituel et prend la route Paris-Tigre, pour exposer, pour la première fois en Argentine, dans ce village à proximité de la ville de Buenos Aires.
Depuis le 13 décembre 2008 et jusqu'au 3 fevrier 2009, le groupe franco-argentin d’artistes est présent dans le, récemment rénové, MATI, avec « Paris-Tigre en Colectivo ».
Pour ceux qui seront là-bas, c’est une bonne occasion pour aller leur rendre visite dans ce village au bord du delta du fleuve Paraná.

La Coupole de Mosner

« Tout au début de l’année 1989, un seul pilastre, étrangement, était resté exempt de toute intervention picturale. C’est Ricardo Mosner, un Argentin de Paris, un « porteño » de La Coupole, qui s’est chargé de le mettre en peinture et en musique, en une sorte d’hommage au dancing et au tango dont l’orchestre Bachina était le pilier, et que Carlos Gardel passait saluer à chacun de ses passages à Paris ».

L’on peut trouver l’une des œuvres de Ricardo Mosner en levant les yeux vers le ciel dans cette brasserie très connue du quartier de Montparnasse.
Ce peintre a participé dans la restauration de la coupole de La Coupole avec trois autres artistes renommés qui représentent, tous les quatre, les différentes visions du monde car ils viennent des quatre coins du monde.
« Mosner fut le lien, il fut l’un des quatre artistes invités à exercer leur talent sur la coupole de La Coupole », ainsi que ses collègues : la française, Carole Benzaken, le marocain, Fouad Bellamine et le chinois, Xiao Fan.
L’œuvre fut terminée en septembre pour les Journées du Patrimoine, un événement auquel participe la Coupole depuis 1994.
Cette brasserie est très célèbre dans la ville parisienne depuis 1927 grâce à ses 27 piliers peints par des artistes de Montparnasse.
Aujourd’hui, ce bel immeuble est un passage obligé pour les touristes. La coupole de La Coupole a repris un nouveau visage grâce aux mains de ces quatre artistes internationaux.

11 novembre 2008

Voyager, observer... écrire

Dans ce numéro, nous vous proposons une pause autour des textes des voyages de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, présentés lors d’une exposition qui a eu lieu à Paris entre le mois de septembre et début novembre. Une pause pour plonger dans l’esprit incontournable de l’écrivain, duquel nous n’avons pas jusqu’à l’instant osé parler . Des textes, accompagnés des photos des lieux, nous ont facilité le voyage autour de la pensée de l’écrivain, pour que nous vous transcrivions nos appréciations .
En outre, comme nous parlons ce mois-ci littérature, nous voulons laisser une place aux lettres argentines en général et présenter un autre écrivain que nous avons découvert ici à Paris. De cette manière, nous trouvons un lien particulier entre grand nombre d’écrivains, les uns plus connus que d’autres, que c’est voyager, observer et finalement écrire.

« L’Atlas de Borges »

Nous avons envie de parler de Borges depuis très longtemps, mais la complexité et la richesse de son œuvre a à chaque fois repoussé le moment de s’y atteler. Ecrivain hors du commun, Jorge Luis Borges (1899-1986) est l’emblème de la littérature argentine; reconnu comme l’un des pionniers du
« réalisme magique » comme courrant littéraire, il défendait une littérature qui ne se limite pas à calquer le monde ennuyeux dans lequel on vit, mais qui devient fiction.
Le moment de parler de lui est finalement arrivé. L’exposition qui a lieu à Paris depuis début septembre à la Maison de l’Amérique Latine, est l’occasion tant attendue pour plonger dans quelques lignes l’univers d’idées liées au nom de cet écrivain.
Les Argentins en général, nous avons “peur de Borges” , cela fait partie de notre désir et à la fois de notre crainte de pénétrer dans une prose profonde et complexe mais qui décrit comme personne l’âme du « portègne », révélant ainsi l’identité de l’habitant de Buenos Aires. C’est peut être l’angoisse que nous ressentons de ne pas décevoir cet exemple d’esprit exquis que notre écrivain à montré de l’Argentine. “Il y a un avant et un après Borges en littérature”, une phrase qu’on entend souvent dans les milieux littéraires ; mais comment surmonter cette pression intellectuelle?.
Et voilà l’exposition. Elle est un soulagement à cette angoisse d’aborder l’écrivain, car elle dévoile sa partie la plus humaine : sa passion pour les voyages et l’amour envers celle qui l’a accompagné dans beaucoup de coins de la planète et qui est devenu sa femme peu de temps avant sa mort.

« … Au cours agréable de notre séjour sur la terre, María Kodama et moi avons parcouru et fait nos délices de bien des pays, qui ont donné lieu à bien des photographies et à bien des textes. »[1]

C’est avec ces mots du prologue de l’“Atlas” de l’écrivain, que l’exposition L’Atlas de Borges commence, pour plonger le visiteur dans un voyage à travers les villes du monde à l’aide de photos et de textes.
Les photos prises par Maria Kodama sont accompagnées des textes de l’écrivain. Union curieuse de l’image et la parole, comme si l’image ne se suffisait pas à elle même, la littérature vient compléter cet univers magique que l’image parfois ne peut pas décrire, pour sauver l’ennui de réel. Résultat de la fusion qui existait entre ces deux êtres et qui arrive à faire surgir la magie de chaque endroit. Le regard de l’un et la pensée de l’autre, regard et pensée fusionnés dans la particularité portée à chaque lieu.
Ainsi un fleuve de pensées confluent pour donner, par exemple, une description sur une ville comme Genève, où la pensée de l’écrivain s’immisce dans les aspects les plus intimes de la ville, afin de saisir son esprit, son essence, sa simple raison d’exister en tant que telle:

“ A la différence des autres villes, Genève est sans emphase. Paris n’ignore pas qu’il est Paris, Londres la bienséante sait qu’elle est Londres, Genève sait à peine qu’elle est Genève. Les grandes ombres de Calvin, de Rousseau, d’Amiel et de Ferdinand Hodler sont là mais personne n’en parle au voyageur.”[2]

Les textes de l’ « Atlas » nous démontrent qu’ il a regardé, considéré chaque endroit où il a voyagé comme une entité qui parle par elle-même. Son regard d’écrivain s’est posé sur les détails les plus inaperçus de ces endroits, non pas tant du côté esthétique, ce qui intéressait plutôt Borges c’était “la raison d’être”:

“Dans toutes les villes il y a des fontaines mais leur raison d’être sont très diverses. Dans les pays arabes elles répondent à une vieille nostalgie des déserts, où l’on sait que les poètes chantaient la citerne et l’oasis. En Italie, elles semblent satisfaire à ce désir de beauté propre à l’âme italienne”[3]

Ainsi par les textes présentés dans l’exposition, on comprend que la complexité dans la lecture de l’œuvre de Borges ne vient pas de la complication des sujets, mais de sa particularité à regarder ce qui a de plus simple et de pénétrer dans l’essence même de chaque chose. La superficialité, ce que le regard distrait peut repérer, ne lui intéresse pas; ce qu’il veut s’approprier c’est l’intime, le profond, ce sur quoi le regard curieux n’a pas peur de s’attarder.
Tout à coup, cette peur d’aborder l’écrivain disparaît, l’intellectuel nous devient homme, homme sur terre qui ne craint pas à la découvrir.



[1] Jorge Luis Borges, Prologue au livre Atlas.
[2] Jorge Luis Borges, Atlas “Genève”.
[3] Jorge Luis Borges, Atlas “Les fontaines”.