23 avril 2007

MALVINAS : D’AMOUR ET DE TRAHISON

Ce mois-ci le nom de Malvinas revient dans nos mémoires, mais dans quel sens ? Quand on parle de Malvinas en Argentine ce nom est directement lié à la guerre, dire Malvinas serait donc devenu un synonyme de guerre ?. Pourtant on veut considérer qu’il s’agit aussi d’un territoire, d’un morceau de terre, des îles sans importance, comme beaucoup ont dit quand le conflit s’est déclenché. On n’arrive pas à les définir, elles restent encore un point noir dans notre histoire, un territoire que l’on voudrait parfois oublier. Territoire et guerre… C’est dans ces deux sens que l’on va essayer de les considérer et c’est dans ces deux aspects que l’on a pu trouver des liens avec la France.
« No llores por mi Argentina »
Il reste un mystère de l’histoire quelle nation a été la première à découvrir ces îles, car depuis le XIVs plusieures nations ont cru les avoir découvertes. Les anglais les avaient apperçues et baptisées Falkland en honneur à l’un de ses protecteurs. Mais le nom tel que nous les connaissons en Argentine est directement lié aux Francais. Certes, en 1762 c’était l’explorateur français Louis Antoine de Bougainville qui a établit la première colonie en Malvinas, les battisant Malouines en honneur aux habitants de Saint Malo (malouins),d’où il provenait. L’histoire raconte qu’ après, la France les a cèdées à la couronne espagnole.
“No bombardeen Buenos Aires”
La France a été présente dès ses origines dans l’histoire des Malvinas, et pendant la guerre un autre nom est lié à ce pays, celui de l’Exocet, le missile mit en oeuvre par une escadrille d'attaque de l'aéronavale argentine à partir de cinq avions français Super Etendard. Indirectement, la France a été mêlée à cette guerre par la vente d’armes à l’Armée Argentine.
Alors que ces missiles étaient utilisés contre l’armée britannique, le président français du moment, François Mitterrand confiait à son psychanalyste : « j’ ai eu une différence d’opinion à régler avec la Dame en Fer ». C’était le 7 mai 1982, Margareth Tacher devenait la principale préoccupation du président. Elle avait menacé d’une attaque nucléaire contre l’Argentine, si le président ne lui révélait pas les codes qui neutralisaient les missiles vendus aux Argentins. François Mitterrand a du accéder au désir du Premier ministre britannique dont il disait qu’elle avait « l’œil de Caligula et la bouche de Marilyn Monroe ».
REGRETTABLE
Malvinas est un territoire irrémédiablement lié à une guerre et par conséquent, à la douleur. Même si en essayant, on ne peut pas les considérer séparément. Les responsables de cette guerre ont voulu récupérer ces terres pour l’Argentine, mais quelle était la véritable raison qui se cachait derrière cet essor de patriotisme ? Non seulement ils sont arrivés à affirmer le pouvoir des Anglais sur ce territoire, mais ils l'ont fait perdre de l’esprit argentin. Cela est regrettable.
«Regrettable est le fait d’être allés à la guerre par la décision démagogique des êtres regrettables»
Malvinas n’a été qu’une guerre de propagande dont le but était d’affirmer un gouvernement qui s’affaiblissait. En effet, en 1980, le pays était hypothéqué, soumis à une profonde crise économique, avec une croissance du chômage, de la misère et de la pauvreté. A cela s’ajoutaient les dénonciations de fortes violations des Droits de l’Homme de la part du gouvernement de facto qui dirigeait le pays.
Leopoldo Galtieri, troisième et dernier dans la succession des gouvernements militaires depuis 1976, avec ses conseillers les plus proches, a eu recours à cette guerre pour allumer l’âme de la patrie argentine et éloigner la mauvaise réputation d’un régime détesté par le peuple.
« Regrettable est la naïveté de ce 2 avril 1982, où nous avons cru récupérer les îles et avons
accroché aux balcons des drapeaux argentins »
Le pays est entré dans une fureur patriotique, poussée par le gouvernement. La grande majorité des citoyens et leurs représentants soutenaient la cause de Malvinas. Le gouvernement militaire a obtenu pendant ces premiers jours ce qu’il cherchait : l’oubli et le soutient de la part du peuple. Mais si nous connaissons déjà les raisons de la dictature pour s’aventurer dans cette guerre, quelles ont été celles de la société pour soutenir le délire qu’impliquait, non seulement la confiance au régime, mais le fait de lui donner ses enfants pour être menés aux fronts de la mort ? Lesquelles ? Le désir de liberté à n’importe quel prix ? la naïveté ? l’ignorance ? le désir de gloire comme celui vécu en 78 ? ou simplement l’amour à la patrie ?

Un mensonge prémédité, le soir où tous les Argentins étaient unis

Le 20 mai 1982, tous les Argentins se sentaient unis. La transmission d’une émission de télévision pendant 24 heures avait le but d’inciter les gens à faire des dons pour aider les soldats participant au conflit. Deux présentateurs, les plus connus à ce moment-là, en étaient les responsables : Pinky et Cacho Fontana.
Quelque temps après, tout le monde se demandait où tout était passé : l’or, les vêtements, l’argent et les aliments donnés pour les soldats argentins.
Cela montre le niveau de manipulation et de désinformation de la part des médias argentins, pendant les mois de la guerre. Le gouvernement militaire contrôlait tout, c’est-à-dire, qu’il s’occupait de censurer toute l’information qui arrivait aux gens.
La télévision passait des images laissant croire que les soldats argentins étaient en train de gagner la guerre: qu’un navire anglais venait d’être détruit, que tout allait bien….L’appel au patriotisme était toujours présent, toute la société avait confiance et tous les médias étaient d’accord pour montrer une victoire irréelle.
Mais la vérité était autre, et s’est dévoilée tout d’un coup.
Les Anglais ont eu la victoire et 756 soldats argentins étaient morts.
Les Argentins ont compris que tout était un mensonge, la tromperie étant le dernier recours d’un gouvernement qui s’écroulait…. Et avec cette constatation, le gouvernement militaire est finalement tombé.

Les medias argentins pendant la guerre

Quelle était l’information passée par les médias ? On peut lire dans le Magazine « GENTE » du 6 mai 1982 : « Mardi, 16h10. Port Darwin. Iles Malouines. Des soldats Argentins attendent des possibles débarquements. Cependant, seulement une attaque aérienne est registrée, deux avions anglais sont abattus. » « Nous sommes en train de gagner »

L'OUBLIE

Cette photo a été trouvée par les Anglais et déposée au Imperial War Museum de Londres où elle est expliquée ainsi : « Un soldat argentin disgracié et crevant de froid boit d’un coco »
En contemplant cette photo, on réfléchit sur le fait que ces Anglais ignoraient tout de lui. Cet homme n’était qu’un soldat pour eux, Ils n’avaient aucune idée de sa culture, du maté qui le réconfortait. Mais nous non plus, nous ne connaissons rien de ce soldat « disgracié » et pire encore, nous ignorons sa destinée. On ne sait pas s’il est revenu de la guerre. Il était encore un adolescent, embarqué vers la fin du monde, presque sans entraînement. Mais après ? Comment sa vie a-t-elle continuée?
Il était l’un de ces soldats qui, selon le témoignage même de l’Armée Argentine, « n’ont jamais été ni organisés, ni équipés, ni instruits pour faire face à des adversaires capables de mener des opérations au niveau mondial, car les coûts et les efforts que cela impliquait étaient au-delà des possibilités de notre pays »
On a du mal à imaginer son retour, sa réinsertion dans la société argentine. Il a dû garder autant de choses qu’il aurait voulu raconter, victime du silence qui s’est généré autour de la guerre dont le sort lui en a fait faire partie.
Parler de Malvinas en Argentine devient parfois une affaire de fascistes ; on a du mal à le considérer comme une victime de plus de la dictature militaire, car il reste pour la plupart un « ex-combattant » . On n’a pas encore pu faire disparaître cet abîme, car quand on pense au terrorisme d’Etat on pense aux torturés, aux disparus… mais son sort à lui, on l’a oublié.
Il n’a sûrement pas pu trouver du travail, il doit vendre des souvenirs de « sa » guerre dans les bus de Buenos Aires, surmontant chaque jour l’indifférence ou les regards de compassion.
Il est peut-être devenu alcoolique, il doit mal dormir, il doit avoir du mal avec les rapports humains car ses réactions sont sûrement violentes. Il a peut-être essayé de se suicider … ou il l’a déjà fait. De toutes façons, ne le tuons-nous pas chaque jour avec notre oubli, notre indifférence, notre manque d’intérêt à propos de ce qu’il a vécu ? On a du mal à le séparer des militaires. Pour nous, la tragédie de Malvinas est finie avec la guerre, on considère rarement que c’est avec elle que la sienne a commencée.