25 février 2008

"Itinéraire d'un voyage en Argentine"

Après trois mois, nous reprenons notre travail pour vous offrir quelques impressions qu’on a eues pendant notre voyage en Argentine.
Nous avons commencé la nouvelle année là-bas, et nous avons voyagé dans le nord et dans le sud du pays. Nous avons assisté aussi aux premiers jours du mandat de la nouvelle présidente. Tout ce qu’on a pu prendre pour vous offrir et vous faire connaître à travers La Pause, on l’a apporté.
Maintenant, c’est le moment de recommencer, de partager avec vous ce qu’on a pris en Argentine.
Dans ce numéro, nous allons donc vous faire part de ces sentiments, nous vous proposons un parcours dans la capitale argentine et un voyage dans le nord et dans le sud. Possiblement vous allez voir une différence sur ce que vous pensez connaître de ce pays.
Bonne lecture et bon voyage!

10 décembre 2007, Buenos Aires, Argentine.

Le pays se trouvait animé car la première femme choisie comme présidente par les Argentins, prenait place au siège présidentiel. Nous sommes arrivées au bon moment.
Cela faisait presque trois ans que nous ne nous rendions pas dans notre pays , nous recevions les nouvelles de loin, par les médias et par nos amis.
Ce jour là c’était la Fête de la Démocratie en Argentine, la musique animait la Place de Mai avec des chanteurs connus et aimés par le peuple.
C’est difficile de décrire le choc que produit le fait de revenir dans son pays après un certain temps d’absence, d’une certaine façon on devient étranger dans sa propre terre.
Le discours de la nouvelle présidente rassemblait tout le peuple : « On ne peut pas changer le pays seulement avec un bon gouvernement, il faut aussi une bonne société où les citoyens comprennent qu’avec leur prise de désistions ils sont en train de construire le modèle de société où ils veulent vivre »
Nous eûmes rapidement quelques premières impressions sur cette société tandis que les paroles de Cristina résonnaient encore dans nos esprits: le niveau décadent des médias, des femmes nues affichant la ville de Buenos Aires, ce qui montre cette obsession des Argentins pour le corps et un esprit toujours macho qui considère la femme comme un objet. Etrange contraste pour ce pays qui choisit une femme en tant que chef du gouvernement.
« Un Etat qui a décidé de placer l’éducation comme l’axe fondamental de transformation » continue le discours de Cristina. Nous retrouvons après notre longue absence une société éduquée et façonnée par une émission de télévision quotidienne où, chaque soir, mannequins et vedettes semblent être les mieux placées pour parler de politique, opiner sur l’actualité en banalisant les problèmes sociaux complexes qui traversent l’Argentine. La lutte sociale se voit complètement mise de côté car les dirigeants des luttes, comme c’est le cas d’une célèbre femme « piquetera », dansent sur les plateaux pour le pays entier. Bref, c’est une société animée par le « show » que nous a laissé l’héritage des années de Menen.
Jour après jour, nous retrouvions nos repères dans notre pays, la ville de Buenos Aires était plus propre et mieux aménagée qu’avant; le tourisme étranger avait envahit les quartiers typiques; des grands bâtiments, qui rappellent la ville de Manhattan, décorent les rues d’un des quartiers les plus chics de Buenos Aires. Tout était fait dans la capitale pour que le visiteur oublie qu’il avait à faire à un pays avec de graves problèmes économiques et sociaux.
Les paroles de Cristina continuaient à résonner : « Mais la victoire ne sera jamais atteinte tant qu’il restera un pauvre dans la patrie ».
A première vue, la victoire semblait réussie dans le centre ville de Buenos Aires, on aurait dit que la pauvreté avait été balayée pour qu’on ne la voit pas. Pourtant, les soirs les « cartoneros » continuent à récupérer les déchets, la récollection continue à être, pour tout un secteur de la population, l’unique source de revenus, devant l’absence prolongée de travail formel. Ils sont mieux organisés qu’avant, c’est sûr, mais c’est toujours triste de réaliser qu’un Argentin se trouve obligé de faire ce travail.
Il était parfois difficile de se déplacer dans la ville, car les rues étaient souvent coupées par des piquets qui sont devenus aujourd’hui la forme de protestation la plus répandue en Argentine, mais qui divisent la population en une classe basse de plus en plus contestataire et une classe moyenne qui en a marre de cette contestation car elle s’en voit victime.
Les prix ont augmenté considérablement ce qui laisse à croire que l’Argentine n’est plus un pays bon marché comme il l’a été ces derniers années. Mais l’inflation est alarmante, et l’Argentine est devenue un pays difficile à vire pour les Argentins.
Le paysage d’opulence de cette ville est parfois brouillé par des images de misère, comme le cas d’un « cantine communautaire » qui se trouve à Puerto Madero, le quartier le plus chic de Buenos Aires. De cette manière les pauvres rappellent leur présence, dans un climat touristique et riche, ce maudit voisinage entre la faim et l’opulence.
Nous avons retrouvé une ville fracturée de plus en plus entre richesse et pauvreté, où les deux ne se croisent que très rarement.

L'Argentine: du nord au sud




La route 40 traverse toute l’Argentine, c’est vrai qu’il y a des morceaux où son accès n’est pas aisé , cependant le but de cette route est de réaliser 4.900 km du nord au sud, de pouvoir se rendre de la Patagonie jusqu’à la Quiaca.
Au fur et à mesure qu’on traverse l’Argentine, on se rend compte des différentes cultures qui peuvent cohabiter dans un même pays.
Pour tous ceux qui connaissent Buenos Aires et qui croient avoir connu l’Argentine, c’est l’heure de vous révéler la vérité.
L’Argentine est beaucoup plus que Buenos Aires, la capitale représente certains aspects du pays, mais pas tous.
D’ailleurs, les paysages du nord-ouest argentin se comptent parmi les plus merveilleux du monde.
La diversité de couleurs accompagne tout le voyage, le vert qui naît à Tucuman, se transforme en rouge et soudain une même colline peut comporter sept couleurs.
Lacs, vignes, montagnes, collines, vallées, ravins, cactus, llamas, chèvres, ciel bleu, « tamales », « humitas », « empanadas », guitare, « zamba », « chacarera », et « peñas », tous ces mots bizarres habitent le nord-ouest argentin. Par contre, on ne voit pas de vaches, ni de « milongas » ni de « tango ».
Les visages des gens ressemblent d’avantage à ceux des habitants du Pérou ou de la Bolivie qu’à ceux des « portenos » de Buenos Aires.
Dans la physionomie et dans la manière de vivre, les gens du nord possèdent encore beaucoup de traits qu’ont laissé en héritage les aborigènes qui habitaient autrefois cette zone.
C’est incroyable comment les codes, les habitus, les goûts, peuvent varier autant au sein d’un seul et même pays.
Il faut connaître l’Argentine du nord au sud pour pouvoir parler d’elle.



Le Nord et le Sud de l’Argentine sont comme deux pôles qui opposent deux pays différents. Ainsi, tandis que voyager dans le Nord nous rapproche d’une culture autochtone de l’Amérique Latine, la Patagonie nous plonge dans une terre de la dépouille .
Les campagnes des militaires menées dans le XIXè ont réussi le massacre des différentes tribus indigènes qui peuplaient autrefois le sud du pays, dont le but était d’avoir la domination complète de ce territoire. Il reste donc peu de traces aujourd’hui de ces habitants qui se trouvent isolés dans de petites « réserves » dans les terres les plus profondes de cette région. Ce massacre à fait de ce territoire un véritable désert qui a finit par accueillir différentes communautés de l’Europe. Tel est le cas des Gallois qui s’y sont installés au milieu de XIXè, poussés par le désir de liberté et celui de vivre loin de l’oppression anglaise dont ils étaient victimes. Il y a en Patagonie beaucoup de « villages Gallois » où on peut apprécier et « déguster » leurs traditions. Cette communauté a trouvé une terre de liberté et elle a établit des liens d’amitié avec les tribus indigènes, fondés en partie sur un point commun : être victimes de la domination.
Mais la Patagonie a accueilli aussi des habitants beaucoup moins sympathiques, comme c’est le cas des militaires nazis reçus par le gouvernement de Péron après la Deuxième Guerre Mondiale. Ils cherchaient bien sûr un autre type de liberté que celle des Gallois, car l’isolement de ces terres était sans doute la cachette idéale et ses paysages le site rêvé pour calmer une conscience chargée.
La dépouille continue toujours en Patagonie, terre qui ne se lasse pas d’accueillir des inconnus. Aujourd’hui elle s’exprime par la vente sans limite des terres à des milliardaires du monde entier, qui sont devenus les nouveaux terriens de grandes extensions du Sud Argentin.
Voyager en Patagonie c’est aussi plonger dans un paysage des bois et des lacs, coloré par une mythologie des gnomes, habitants magiques des bois. Tout un univers enchanté qui fait oublier la triste destinée de ces terres.
Quand on est en Patagonie, on ne sait pas exactement où l’on est, terre qui n’appartient à personne, et à la fois à tant de communautés.
Ainsi, tandis que le Nord représente la culture et les traditions de nos indiens, le Sud est quant à lui le symbole de cette rare fusion entre ouverture, paysages de rêve, massacre et dépouille des terres .
Patagonie, terre de dinosaures, de gnomes, de désert, de lacs, de montagnes, de bois ; terre où on trouve à la fois tout et rien .

Remerciements

Dessin réalisé par Ricardo Mosner. Nous remercions également Lucia Bley qui nous a aidé dans la réalisation de ce numéro!