20 novembre 2007

Présidentielles argentines


Nous vous proposons une autre « pause » autour des élections présidentielles argentines. Dans le numéro précédent nous avons présenté le panorama politique de l’Argentine, son parcours depuis la crise de 2001 et les candidats à se disputer la présidentielle.
Le 28 octobre dernier, les Argentins nous avons choisis celle qui va nous gouverner pendant 4 ans.
Nous ne voulions pas passer à côté de ce moment important pour tout Argentin, et même si nous nous retrouvons très loin de notre pays, La Pause est le moyen pour nous d’accompagner ces évènements.
C’est aussi le moyen de raconter à ceux qui nous accueillent ici ce qui se passe de l’autre coté de l’océan, où tout semble si loin et d’où les nouvelles arrivent en petit morceaux.
C’est notre façon d’établir des liens, que la voix argentine s’entende au delà des urnes et des frontières.

Une Argentine pour les Argentins

Le résultat des élections présidentielles argentines était sans surprises, Cristina Kircher a été élue avec environ 45% des suffrages. Emportant ainsi une grande majorité des votes, ce qui indique que la plupart des Argentins sont satisfaits du gouvernement de son mari qu’elle compte continuer.
Pourtant, l’Argentine est en train de vivre un grand changement puisque Cristina est la première femme élue pour occuper le siège présidentiel. Une autre particularité qui marque cette élection : il s’agit du premier cas au monde où le mandat présidentiel sera passé par le président à sa propre femme, rendant ainsi la présidentielle comme une affaire de famille ou de couple.
Certes, Cristina Kirchner n’est pas la première femme à gouverner le pays, Isabel Peron l’a déjà fait en 1974 après la mort de son mari, mais non pas par la voie électorale mais par le fait d’être le vice-président du pays, ce qui l’a fait occuper automatiquement le siège présidentiel.
Il est curieux que dans un pays comme l’Argentine dont la réputation est d’être très « matcho » les femmes aient eu une place active dans la vie politique. Rappelons-nous le cas d’Eva Peron, qui par son charisme face aux classes populaires est devenue jusqu’à aujourd’hui une figure emblématique de l’univers politique Argentin.
Cristina Kirchner… Beaucoup de gens voient chez elle une « nouvelle Evita », peut être à cause de l’attirance qu’elle suscite chez les classes populaires (il faut remarquer que la plupart des suffrages venaient des secteurs les plus défavorisés de la société), pour son image soignée et séductrice ou encore pour sa personnalité forte et persévérante.
Qui est donc cette femme qui s’inscrit dans la courte liste des présidentes à gouverner leurs pays et dont son élection a ouvert le débat dans le monde entier à propos de la place de la femme au sein du pouvoir ? Sénateur à fort tempérament qui a mené la lutte contre la corruption du gouvernement de Menem, principalement dans les affaires de vente illégale d’armes vers l’Equateur et la Croatie ; elle représente le Front pour la Victoire, un parti à courrant péroniste fondé par son mari lors des précédentes élections présidentielles.
Le slogan de sa campagne « Le changement vient de commencer » promet la continuité de la politique menée par son mari depuis 2003.
Continuité dans la course pour ranimer le pays après sa plus dure crise, car c’est surtout cela que l’on reconnaît au gouvernement de Nestor Kirchner. Il a réussi à réveiller l’économie et à permettre aux Argentins de sortir la tête de l’eau et respirer grâce à une remonté des économies particulières et à la mise en place d’une série de plans sociaux.
Continuité dans la lutte des droits de l’homme, car pendant son gouvernement Nestor Kirchner a rouvert le procès des militaires inculpés lors de la dictature militaire et suspendu les lois « du Point final et de l’obéissance due » qui étaient une armistice des crimes commis pendant la dictature. Il a accordé une place importante aux Mères et Grand-Mères de la Place de Mai et son soutien absolu dans leur lutte contre l’impunité et la recherche des enfants des disparus.
En effet, ces dernières années, les crimes de la dictature sont devenus un sujet beaucoup plus courrant dans la société, grâce au biais des médias, des expositions et la consécration de l’ESMA comme musée de la mémoire.
Même si le bilan du gouvernement de Nestor Kirchner semble positif, il y a pourtant beaucoup d’aspects qui ne sont pas très encourageants, comme la situation de nombre de paysans expulsés de leurs terres, victimes des résultats néfastes que produit la culture du soja, « l’or vert » qui est devenu la principale source économique de l’Argentine.
Des luttes continuent toujours d’émerger. Avec la croissance de l’inflation, de nombreux conflits du travail ont éclaté ; les travailleurs réclament notamment des hausses de salaires.
Du côté des droits de l’homme, même si 30 ans se sont écoulés depuis les horreurs de la dictature, la disparition il y a plus d’un an de Julio Lopez, témoin des crimes de la dictature lors du procès de l’ex dictateur Etchecolatz , laisse une plaie ouverte et le sentiment que la situation n’a pas vraiment changé pendant ce gouvernement.
Continuité promet la femme à qui les Argentins ont confié la présidence. Cependant, même s’il s’agit de poursuivre la même voie politique, des changements deviennent urgents, c’était sûrement le voeu des Argentins le 28 octobre dernier.

Une lumière dans l’obscurité

Depuis longtemps le panorama politique en Argentine est le même.
On peut dire que pendant les années 80, avec le retour de la démocratie, tous les espoirs réprimés lors de la dictature militaire étaient réapparus. Raul Alfonsin, après avoir été élu président de la République en 1983, arrivait à réunir une très grande quantité de gens dans les places et les stades grâce à des discours qui aujourd’hui sont devenus impossible à retrouver. Il avait une crédibilité politique qui, avec le temps, a disparue dans la société.
Après il y a eu Menem, avec son double discours… Malgré « la révolution productive », il a finalement vendu tout ce qu’il a pu. Il y a eu également la loi de la convertibilité, qui en a fait rêver des Argentins mais qui, à la fin, n’a conduit qu’à la débâcle de l’économie.
Et pour finaliser le scénario, De la Rua qui a détruit le peu qui restait de crédibilité politique argentine, s’enfuyant avec elle en hélicoptère.
Donc, après ce défilé des personnages politiques, que reste-t-il ? On dirait : rien.
Mais en parallèle à ce qu’il se passe au niveau national, il y a de petites figures locales qui travaillent afin que le peu de crédibilité politique qui demeure ne s’évanouisse pas.
Un bon exemple est Rosario. Un belle ville qui se trouve à 270km au nord-est de Buenos Aires et qui appartient à la province de Santa Fe. Cette ville a un million d’habitants et un fleuve, le « Parana », qui la traverse du nord à sud et lui donne son caractère particulier.
Et c’est ici que Hermes Binner a été réélu deux fois consécutives. Il avait beaucoup apporté à Rosario et il aurait pu être relu une troisième fois, mais il avait préféré se présenter comme gouverneur de la province. Cependant, le bloc péroniste lui en avait empêché. Bien que le candidat socialiste avait réuni plus de votes que chaque candidat péroniste le jour des élections, la « Loi de lemas », qui additionne tous les votes de tous le candidats du même parti, favorise toujours les péronistes (qui sont plus nombreux).
Mais lors de cette dernière élection, le 2 septembre 2007, cette fois sans la « Loi de lemas », Binner gagne facilement avec presque le 50% des votes. Une province avec un gouverneur socialiste c’est du jamais vu dans l’histoire argentine.
Hermes Binner compte avec le soutien des gens, qui pour la première fois se dissent ravis d’avoir choisi et voté pour un candidat.

Nous voulons remercier tout particulièrement Lucia Bley de nous avoir aidées dans la réalisation de ce numéro et à Mathieu Daumenil et à Roxane Chanalet-Quercy pour leur aide précedente!