On a eu toujours envie de parler dans La Pause de cinéma argentin, et le moment est venu car deux films viennent de sortir à Paris cette semaine.
C’est vrai que presque tous les films argentins montrent souvent les problèmes qui affectent ce pays , la pauvreté, la crise, l’émigration, entre autres. Et en quoi ce deux films sont une exception ?
D’une côte, on verra la simplicité d’un personnage particulier qui vit une histoire qui marquera sa vie, et d’un autre côte on revoie le sujet de la dictature militaire traité d’une manière originale.
On vous laisse une pause pour nous lire et si cela vous enthousiasme, allez au cinéma !!
06 juillet 2007
Un film argentin à Paris qui nous confronte à l’horreur de la dictature militaire
On peut voir dans les rues, sur les affiches et dans les magazines que les films argentins ont été nombreux à sortir dans les salles obscures parisiennes ce mois-ci. Certains ont même bénéficié d’un important relaie médiatique et d’un soutien critique flatteur. Parmi ceux-ci, on compte « Le chemin de San Diego », « La leon », « El custodio » ou encore cette semaine la sortie de « Buenos Aires 1977 », un film autour d’un sujet assez polémique et très difficile à exprimer : la dictature militaire en Argentine, les années les plus noires de ce pays.
Trente et une années se sont passées depuis, mais il reste aujourd’hui encore, beaucoup de choses à dire. C’est pour cette raison que, chaque fois qu’un film traite de ce sujet les opportunités d’éclairer une nouvelle facette de la dictature ne manquent pas. Cependant, de nombreux aspects de cette période restent, encore aujourd’hui, floues : les responsabilités ne sont pas assez montrées du doigt et de nombreux cas sont encore à élucider. C’est pourquoi certains films, faute d’éléments nouveaux, reproduisent des faits déjà connus et apportent finalement une compréhension supplémentaire limitée de cette période.
« Buenos Aires 1977 » est montrée avec un regard jeune, celui du réalisateur, Israel Adrian Caetano, une trentaine d’années et qui, faisant partie de la première génération née après la dictature, ne possède pas la même histoire de vie que celles des autres réalisateurs ayant vécu (ou survécu) à la dictature. De plus, Caetano est née en Uruguay et ne rejoindra l’Argentine qu’à l’âge de 16 ans pour s’y former. Il a donc vécu cette période de l’extérieur, ce qui lui permet de poser un regard très personnel sur les faits.
Entre triller et drame historique, avec un décor qui fait penser à un film d’horreur, l’histoire, inspirée d’un fait réel[1], raconte les 120 jours passés par quatre jeunes argentins dans un centre de réclusion clandestine jusqu’à leur fuite. Il s’agit donc d’un film témoignage de ce qui a été l’horreur de la dictature militaire. Les personnages enfermés pendant plusieurs mois, tentent l’évasion comme seule possibilité d’échapper à l’enfer de la torture.
C’est la torture l’axe principal du film, il nous montre sa gravité et son inhumanité sans montrer des images tortueuses mais instaurant un huis-clos d’une grande tension psychologique, permettant au spectateur de se mettre dans la peau des torturés et de partager leur enfer quotidien. Il montre aussi l’incohérence de ces méthodes, car les bourreaux exigent des renseignements sur des "activistes de gauche" supposés "préparer des attentats", instaurant chez leurs victimes un dilemme moral : se taire et mourir, ou dénoncer des innocents pour gagner du temps ? L’originalité de ce film réside dans le fait qu’il traite de la dictature, mais du point de vue des survivants, permettant de s’interroger sur comment peut-on survivre après la torture. Ce film apporte un nouveau point de vue grâce aux témoignages de ces quatre jeunes qui ont pu s’échapper de ce centre appelé « Maison Seré ». Il s’agit donc de la vie après la mort…c’est l’histoire de ceux qui ont pu continuer.
[1] Ce film est inspiré du livre publié par l'un de ces quatre survivants, Claudio Tamburrini, "Pase libre, la fuga de la Mansion Seré".
Trente et une années se sont passées depuis, mais il reste aujourd’hui encore, beaucoup de choses à dire. C’est pour cette raison que, chaque fois qu’un film traite de ce sujet les opportunités d’éclairer une nouvelle facette de la dictature ne manquent pas. Cependant, de nombreux aspects de cette période restent, encore aujourd’hui, floues : les responsabilités ne sont pas assez montrées du doigt et de nombreux cas sont encore à élucider. C’est pourquoi certains films, faute d’éléments nouveaux, reproduisent des faits déjà connus et apportent finalement une compréhension supplémentaire limitée de cette période.
« Buenos Aires 1977 » est montrée avec un regard jeune, celui du réalisateur, Israel Adrian Caetano, une trentaine d’années et qui, faisant partie de la première génération née après la dictature, ne possède pas la même histoire de vie que celles des autres réalisateurs ayant vécu (ou survécu) à la dictature. De plus, Caetano est née en Uruguay et ne rejoindra l’Argentine qu’à l’âge de 16 ans pour s’y former. Il a donc vécu cette période de l’extérieur, ce qui lui permet de poser un regard très personnel sur les faits.
Entre triller et drame historique, avec un décor qui fait penser à un film d’horreur, l’histoire, inspirée d’un fait réel[1], raconte les 120 jours passés par quatre jeunes argentins dans un centre de réclusion clandestine jusqu’à leur fuite. Il s’agit donc d’un film témoignage de ce qui a été l’horreur de la dictature militaire. Les personnages enfermés pendant plusieurs mois, tentent l’évasion comme seule possibilité d’échapper à l’enfer de la torture.
C’est la torture l’axe principal du film, il nous montre sa gravité et son inhumanité sans montrer des images tortueuses mais instaurant un huis-clos d’une grande tension psychologique, permettant au spectateur de se mettre dans la peau des torturés et de partager leur enfer quotidien. Il montre aussi l’incohérence de ces méthodes, car les bourreaux exigent des renseignements sur des "activistes de gauche" supposés "préparer des attentats", instaurant chez leurs victimes un dilemme moral : se taire et mourir, ou dénoncer des innocents pour gagner du temps ? L’originalité de ce film réside dans le fait qu’il traite de la dictature, mais du point de vue des survivants, permettant de s’interroger sur comment peut-on survivre après la torture. Ce film apporte un nouveau point de vue grâce aux témoignages de ces quatre jeunes qui ont pu s’échapper de ce centre appelé « Maison Seré ». Il s’agit donc de la vie après la mort…c’est l’histoire de ceux qui ont pu continuer.
[1] Ce film est inspiré du livre publié par l'un de ces quatre survivants, Claudio Tamburrini, "Pase libre, la fuga de la Mansion Seré".
Une fois la démocratie restaurée, une grande quantité de films argentins ont montré et dénoncé les actions du gouvernement militaire déchu. Ils décrivent la situation vécue pendant cette période sous différents aspects : les mères et leurs fils disparus, les enfants enlevés aux détenus dont on ignore ce qu’ils sont devenus, les disparus, les exilées, les méthodes inhumaines utilisées lors du procès, et l’ignorance et la peur de beaucoup de citoyens face à ces faits.
Parmi ces films, certains illustrent tout particulièrement ce qu’à pu vivre l’Argentine pendant ses années :
« La historia oficial » (1985), de Luis Puenzo.
Ce film a été l’un des premiers à traiter le thème du destin des enfants volés aux mères disparues. Très choquant et réel, il a gagné un oscar dans la catégorie « meilleur film étranger » et dépeint des personnages forts incarnés par des acteurs très reconnus.
« La noche de los làpices » (1986), de Hector Olivera.
L’un des premiers films à traiter des étudiants, de leurs revendications, de leurs luttes et du pouvoir des forces policières au début des années 70. Ce film a été projeté presque dans tous les lycées argentins pendant les années 90 pour faire connaître l’histoire argentine aux nouvelles générations.
« Garage Olimpo » (1999), de Marcos Bechis.
Ce réalisateur italien propose un regard nouveau sur « les détenus clandestins », sur leur condition de vie et de survie, sur la manière dont ils ressentent cette situation. C’est aussi un film très dur qui permet de réfléchir sur un autre aspect de la dictature.
« Kamtchatka » (2002), de Marcelo Pineyro.
Ce film montre à quel point ce régime a produit la dissolution familiale dans le pays. C’est l’histoire d’une famille, dont les enfants, suite à la disparition de leurs parents, sont accueillis par leurs grands-parents. D’une façon subtile et légère, on peut voir un autre impact de la dictature dans la société : la désintégration de la famille.
Parmi ces films, certains illustrent tout particulièrement ce qu’à pu vivre l’Argentine pendant ses années :
« La historia oficial » (1985), de Luis Puenzo.
Ce film a été l’un des premiers à traiter le thème du destin des enfants volés aux mères disparues. Très choquant et réel, il a gagné un oscar dans la catégorie « meilleur film étranger » et dépeint des personnages forts incarnés par des acteurs très reconnus.
« La noche de los làpices » (1986), de Hector Olivera.
L’un des premiers films à traiter des étudiants, de leurs revendications, de leurs luttes et du pouvoir des forces policières au début des années 70. Ce film a été projeté presque dans tous les lycées argentins pendant les années 90 pour faire connaître l’histoire argentine aux nouvelles générations.
« Garage Olimpo » (1999), de Marcos Bechis.
Ce réalisateur italien propose un regard nouveau sur « les détenus clandestins », sur leur condition de vie et de survie, sur la manière dont ils ressentent cette situation. C’est aussi un film très dur qui permet de réfléchir sur un autre aspect de la dictature.
« Kamtchatka » (2002), de Marcelo Pineyro.
Ce film montre à quel point ce régime a produit la dissolution familiale dans le pays. C’est l’histoire d’une famille, dont les enfants, suite à la disparition de leurs parents, sont accueillis par leurs grands-parents. D’une façon subtile et légère, on peut voir un autre impact de la dictature dans la société : la désintégration de la famille.
"El camino de San Diego"
Un autre film surprenant, sorti ce mois-ci dans les salles parisiennes, est « El camino de San Diego » de Carlos Sorin, le réalisateur de « Historias Minimas » (2003) et « Bonbon el perro » (2005) . On retrouve encore une fois une histoire simple, jouée par des acteurs non-professionnels qui parviennent à ôter au film un peu de sa fiction pour coller d’avantage à une réalité plus brute et plus sincère, non répétitive. Le film se déroule une fois de plus dans l'Argentine profonde, mais cette fois-ci l’histoire se passe au Nord-Est argentin, au sein de la forêt de Misiones qui forme la limite avec le Brésil. C’est de nouveau le voyage qui s’impose au protagoniste pour accomplir son rêve.
Comme la plupart des Argentins, le personnage principal, Tati Benitez, voue un culte casi divin pour Maradona, véritable idole argentin qui a su montrer le chemin de la gloire et apporter joie et illusion à son pays. Après avoir appris l’hospitalisation de son idole, Tati décide de faire le voyage jusqu’à Buenos Aires pour lui apporter une offrande. Il entreprend cette démarche en forme de quête spirituelle, où la pensée magique se libère de toute rationalité : il fait ce pèlerinage afin d’offrir quelque chose à celui qu’il admire tant, tout en ayant le sentiment que quelque chose va changer dans sa vie une fois son but atteint.
Le chemin de Tati le long de la route 14 est semé de désespoir, mais aussi d’illusions.
Il y croise les situations sociales les plus décevantes telles que le chômage, les fermetures des entreprises et surtout le sentiment d’abandon des pouvoirs publics et politiques. Dans cette situation, « les saints » tout comme « les idoles » deviennent les seuls à pouvoir apporter espoir et réconfort à un peuple qui ne demande qu’à être écouté. Toutefois, ces difficultés ne sont pas des obstacles pour que Tati parvienne à accomplir son rêve et à poursuivre son chemin.
Avec ce film, Carlos Sorin prend, encore une fois, un soin tout particulier à montrer une Argentine de gens humbles mais dont leurs histoires, qui semblent très banals, les amènent à vivre des aventures qui dépassent la simplicité de leurs vies. Derrière la modestie de ces personnages, se cache leur intérieur plein des richesses ; ils sont pauvres, mais leur fortune réside dans leur ténacité, leur bonne humeur, leur optimisme, leur générosité, leur désintéressement, et tout simplement dans leur volonté d’accomplir quelque chose qui pourra changer leurs vies et d’y croire.
Même si ce film peut paraître pour certains un peu trop dégoulinant de gentillesse, il ne fait que refléter fidèlement le comportement habituel, normal, de beaucoup d’Argentins. Il démontre un pays qui possède le trésor d’avoir encore des gens qui ne sont pas corrompues par le système et qui sont capables d’un bonheur authentique que malheureusement le progrès et la modernité nous font souvent perdre.
Comme la plupart des Argentins, le personnage principal, Tati Benitez, voue un culte casi divin pour Maradona, véritable idole argentin qui a su montrer le chemin de la gloire et apporter joie et illusion à son pays. Après avoir appris l’hospitalisation de son idole, Tati décide de faire le voyage jusqu’à Buenos Aires pour lui apporter une offrande. Il entreprend cette démarche en forme de quête spirituelle, où la pensée magique se libère de toute rationalité : il fait ce pèlerinage afin d’offrir quelque chose à celui qu’il admire tant, tout en ayant le sentiment que quelque chose va changer dans sa vie une fois son but atteint.
Le chemin de Tati le long de la route 14 est semé de désespoir, mais aussi d’illusions.
Il y croise les situations sociales les plus décevantes telles que le chômage, les fermetures des entreprises et surtout le sentiment d’abandon des pouvoirs publics et politiques. Dans cette situation, « les saints » tout comme « les idoles » deviennent les seuls à pouvoir apporter espoir et réconfort à un peuple qui ne demande qu’à être écouté. Toutefois, ces difficultés ne sont pas des obstacles pour que Tati parvienne à accomplir son rêve et à poursuivre son chemin.
Avec ce film, Carlos Sorin prend, encore une fois, un soin tout particulier à montrer une Argentine de gens humbles mais dont leurs histoires, qui semblent très banals, les amènent à vivre des aventures qui dépassent la simplicité de leurs vies. Derrière la modestie de ces personnages, se cache leur intérieur plein des richesses ; ils sont pauvres, mais leur fortune réside dans leur ténacité, leur bonne humeur, leur optimisme, leur générosité, leur désintéressement, et tout simplement dans leur volonté d’accomplir quelque chose qui pourra changer leurs vies et d’y croire.
Même si ce film peut paraître pour certains un peu trop dégoulinant de gentillesse, il ne fait que refléter fidèlement le comportement habituel, normal, de beaucoup d’Argentins. Il démontre un pays qui possède le trésor d’avoir encore des gens qui ne sont pas corrompues par le système et qui sont capables d’un bonheur authentique que malheureusement le progrès et la modernité nous font souvent perdre.
Remerciements
Nous remercions tout spécialement à Mathieu Dumesnil et à Roxane qui nous ont aidées dans la réalisation de ce numéro !
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