16 juin 2008

Gouvernement et "campo": le conflit pour le pouvoir

Il est curieux que les médias français n’aient presque fait aucune allusion au choc social et politique que vit l’Argentine depuis environ trois mois.
Des routes bloquées partout dans le pays, de constantes manifestations et même de « cacerolazos », principalement devant le siège du gouvernement. Une grande hausse du prix des aliments ainsi que l’alerte d’un possible désapprovisionnement. Voilà le paysage actuel de l’Argentine.
Mais à quoi cette situation politique et sociale est elle due ? Au mois de mars, le gouvernement a annoncé une nouvelle mesure de rétention vis-à-vis des énormes revenus de l’exportation agroalimentaire. Mesure qui a entraîné une guerre acharnée entre le gouvernement et les patrons de l’agro, le soja étant le produit symbole du marché agroalimentaire.
Il faut savoir que l’Argentine est devenue ces dernières années l’un de principaux exportateurs de soja au monde, ce qui a permis au pays de sortir rapidement de la crise de 2001. Ce marché agricole, soutenu par de grandes multinationales, comme Mosanto entre autres, est devenu la principale source économique du pays. Nonobstant, les entités qui développent le modèle du soja sont en même temps responsables du génocide environnemental de millions d’hectares de bois et de terres, de l’expulsion des paysans et des communautés indigènes , du manque et de la hausse des prix des aliments, de l’intoxication de communautés entières par l’agrochimie et enfin de la déstructuration des économies locales et régionales.
Les grands pools du soja jouissent de privilèges qui se sont multipliés durant l’ère des Kirchner et couvrent aujourd’hui la moitié des terres les plus fertiles du pays. Pendant cinq ans, les gains, qui se chiffrent en milliards, ont été repartis entre les pools et le gouvernement. Aujourd’hui, le conflit pour les rétentions a conduit à un rapport de force entre ces patrons de l’agro et le gouvernement, après qu’il aillent été alliés pendant cinq ans.
Or, la mesure lancée par le gouvernement ne serait pas malsaine , en vue d’une répartition des richesses plus juste : car même si l’Argentine est parmi les plus grands producteurs de grains au monde, une grande partie de sa population continue pour autant à être mal nourrie. Cette mesure pourrait être ce qu’il faut au pays pour alléger la faim, en attendant une vrai reforme du modèle économique, mais la destinée que le gouvernement compte donner à ces gains est pour le moins douteuse.
Un autre point de cette mesure : les rétentions touchent indistinctement tous les producteurs agricoles , ce qui veut dire que les petits producteurs auront du mal à s’en sortir et pourront disparaître au profit des grands producteurs.
C’est ce contexte qui a déclenché le grand conflit qui vit en ce moment l’Argentine ; et même si les médias français n’en ont pas parlé, il reste assez alarmant. La protestation sociale est grande, mais à la fois divisée, car il y a des secteurs qui sont conscients que le problème de fond n’est pas celui des retentions mais d’une absence de plan agricole qui remette en question le modèle du soja implémenté en Argentine.
Il est certain qu’il n’est pas dans l’intérêt du gouvernement et des grands patrons de mettre en cause un modèle qui génère de la faim et une distribution injuste de la richesse ; de l’inflation avec une expansion limitée de la consommation qui favorise seulement les secteurs les plus aisés ; la montée des prix des aliments et des produits de basse et la chute de la croissance et de l’accès à l’emploi, malgré le surcroît de l’économie.
Ce sont tous des points qui ont été oubliés par les « casseroles » des manifestants argentins et par les discours du gouvernement.

1 commentaire:

Développement Sans Frontières a dit…

bonjour,

je me baladais sur la toile quand j'ai été attiré par cet article. Je me permet juste une remarque en analogie sur le mutisme des médias français quand à la situation ( ne connaissant pas suffisamment le dossier de l'argentine pour m'exprimer dessus)

Je pensais donc à un comportement similaire qu'ont adopté les médias français et plus généralement européens, sur la commune d'Oaxaca, débutée en 2006 au Mexique. Des manifestations de même ampleur, un silence identique, des morts et des arrestations...Des centaines de "disparitions".

Je ne me prononce pas quand aux raisons d'un tel silence, mais le débat mériterait sûrement d'être levé non?

désinformation médiatique?manipulation?contrôle gouvernemental?

Un des bureaux des sca américains me semble t il travaille à partir de la théorie des cascades. on prend un événement irréalisable, et on cherche comment la rendre crédible pour le public. on prend cet élément et on en cherche la cause qui pourrait le rendre crédible à son tour.Et ainsi de suite...Quand on sait que fox news est l'outil de cette même propagande, est il invraisemblable de penser:
1- que d'autres pays applique des systèmes de contrôle médiatique similaires?
2- que les informations dissonantes soient évincées?

quid....?

et fin d'appartée