21 mars 2007

Le mauvais côte: les militaires «L’ordre de bataille de mars 1976 est une copie de la bataille d’Algérie»

Il est connu que les militaires argentins ont bénéficié du soutient militaire et financier des Etats-Unis lors de la dictature commencée en 1976, mais le rôle français dans sa genèse est pourtant beaucoup moins connu.
Dotée d’une nouvelle doctrine militaire, née lors de la « guerre révolutionnaire », la France n’hésitera pas à exporter ses techniques principalement en Amérique latine, puis malgré les réticences, aux Etats-Unis.
Pendant les guerres de colonisation, il surgit une nouvelle notion d’ennemi : il « est partout et nulle part à la fois » ; il n’ est plus seulement le combattant mais désormais il peut être n’importe qui. Avec cette conception de « l’ennemi intérieur », l’armée française développera ce qui a été connu comme la « doctrine française » dont les principaux éléments de guerre antisubversive sont la torture et la disparition des gens.
C’est lors de la bataille d’Alger (1957) que la torture est conceptualisée en tant que méthode de guerre et légitimée par son efficacité: elle permet d’obtenir dans un délai court des renseignements pouvant sauver des vies. Elle n’est pas une dérive, mais un outil de la guerre antisubversive, inhérent au renseignement.
Une nouvelle arme de la guerre contre-révolutionnaire apparaît aussi lors de cette bataille : la dissimulation massive de cadavres, les « disparus ».
En Argentine - selon les confessions du général Díaz Bessone - la « disparition » sera entre autres un moyen de se débarrasser des personnes sans s’attirer les foudres de la communauté .
Cette guerre révolutionnaire légitime de fait la dictature militaire : tout acte peut être considéré comme « subversif », le terroriste n’est pas seulement celui qui a une bombe, mais également celui qui propage des idées contraires à « la civilisation occidentale et chrétienne » L’armée qui ne tolère aucune contestation se comporte comme une force d’occupation dans son propre pays, dont les victimes sont ses propres concitoyens. Pire, pour le général Ibérico Saint-Jean, 3e corps d’armées d’Argentine (1977), doivent être tués « tous les subversifs, ensuite les collaborateurs et les sympathisants, puis les indifférents, et finalement, tous les indécis ».
Fin 1958, le ministère français de la Défense approuve un séjour en France, Europe et Afrique pour soixante officiers de l’Ecole supérieure de guerre argentine. Le colonel Carlos Rosas facilitera la greffe de la doctrine française en Argentine. Elève de l’ESG de 1953 à 1955, il devient sous-directeur de l’Ecole Supérieure de Guerre de Buenos Aires où il convaincra la direction de créer un cycle d’études baptisé « La guerre révolutionnaire communiste », et d’envoyer des officiers se former à Paris. En 1959, un accord secret entre les gouvernements français et argentin (signé en février 1960) prévoit la création d’une « mission permanente d’assesseurs militaires français » en Argentine. Cette mission perdurera jusqu’à la fin des années 1970.
Exportant la notion d’ennemi intérieur, les assesseurs français n’auront alors de cesse de répéter à leurs homologues argentins, à longueur de conférences, articles et exercices d’entraînement, que le communisme (et par extension le péronisme ) sont le mal absolu, que pour venir à bout de la subversion le champ de bataille est le territoire argentin lui-même et que pour sauvegarder les valeurs chrétiennes de la civilisation occidentale il faut détruire l’homme lui-même.

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