13 février 2007


« Il n'y a pas de meilleur supporter que l´Argentin." Phrase que le reste du monde nous adresse quand il s’agit de parler de foot. Il est certain que cette expression naît du fait que le phénomène football s’étale dans tous les domaines de la société argentine. Ainsi, la première question que pose un Argentin en rencontrant un autre est : tu supportes quelle équipe ? De là peut ou non naître une amitié. Les dimanches sont consacrés au foot ; celui qui suit un match ne peut pas répondre à une autre question qui ne soit pas en rapport avec le sujet. A toutes les tables argentines parler de foot s’impose, et souvent cela finit par des disputes. Combien de frères, de parents, d’amis se sont-ils disputés à cause de ce sujet ?
Dans plusieurs familles argentines, l’enfant, avant de naître, a déjà le maillot de l’équipe que son père a choisi.
Par ailleurs l’Argentin devient très exigent en matière de foot parce qu'il sait qu'il compte sur des joueurs qui se trouvent parmi les meilleurs du monde.
Cette mystification du football argentin est due aussi à la chaleur et à l’exubérance manifestées pendant les matchs, ce qui transforme les stades de foot en une attraction touristique.
Les rues sont de River ou de Boca, de Rosario Central ou de San Lorenzo.
Bref, le football est si présent dans cette société qu’on a même pu trouver des opinions parmi des intellectuels argentins remarqués.
Il semblerait pourtant que la littérature n’a pas donné au foot le même statut qu’il a dans la société argentine ; selon l’ex footballeur Jorge Valdano cela est dû à trois choses : la méfiance de la gauche envers le football, la méfiance des intellectuels envers les masses et la méfiance de l’esprit envers le corps. Il y a pourtant certains écrivains qui ont su dépasser ces barrières.
Tel est le cas d’ Ernesto Sabato qui, dans sa jeunesse, était joueur de foot et qui ne rate jamais la possibilité de se rendre au stade. Son désir exprimé à 93 ans, dans II Congreso Internacional de Lengua Española à Rosario est un témoignage de plus de son attraction envers ce sport : « La seule chose que je veux ramener de Rosario c’est le maillot de Rosario Central. » Il a manifesté aussi que « le football est l’une des choses les plus complexes, j’ai de la passion pour le foot. »
Dans son livre Sobre héroes y tumbas le football fait partie des conversations de rue et de pizzerias, pour montrer que dans le foot, comme dans la vie, l’humanité avait échouée aussi.
L’écrivain Osvaldo Soriano raconte dans son article Festejos des moments qui le lient au football. Seul, dans son studio à Paris, il suit par téléphone le match de San Lorenzo qui se déroule à onze mille kilomètres de distance. « Avec qui vais-je fêter le titre maintenant ? Avec qui je le partage ? Qu’est ce que je fais ? Je laisse tomber les deux cents pages de mon roman et je vais finir la nuit à Pigalle ? »
Soriano a bien su mélanger la littérature et le foot, ainsi dans une histoire de «Piratas, fantasmas y dinosaurios », il explique par la bouche de son personnage : « -il s’agit de quoi le livre ? de foot ?
Non, il s’agit des buts que l’on rate dans la vie. » Lire Osvaldo Soriano, c’est sans doute pénétrer dans l’âme argentine. Il utilise la métaphore du football pour montrer les opportunités que l’on perd dans la vie de chaque jour. « El penal mas largo del mundo », “Arqueros, ilusionistas et goleadores” « Cuentos de los años felices” sont des exemples de ses livres consacrés à ce sport.
Roberto Fontanarrosa n’est pas seulement un humoriste et écrivain, mais il est aussi un spécialiste du foot qui donne une vision sur cette passion dans ses manifestations les plus diverses, à l’intérieur et à l’extérieur du terrain. Le foot, comme une fête sociale, comme un monde qui atteint des dimensions magiques, surprenantes et inespérées, rencontre chez Fontanarrosa l’un de ses représentants les plus remarqués, qui a su lier grâce à l’humour les pôles opposés de la littérature et du foot. Ses livres sur ce sport sont : “No te vayas campeón”, “Cuentos de futbol argentino” et « El area 18 ». Il imagine le football remplaçant la guerre, les disputes de territoires entre deux pays se résolvent par un match de foot.
Il ne faut pas oublier de citer le commentateur sportif Victor Hugo Morales, qui est devenu une institution du football argentin. Personne ne peut oublier son cri lors du célèbre but de Maradona contre les Anglais en 1986 « cerf- volant cosmique, de quelle planète viens-tu ? Merci Dieu ! Pour le football, pour Maradona, pour cette larme ». Morales a porté des réflexions intéressantes sur la place de ce sport dans la société argentine : « Cela me préoccupe en tant que citoyen. Le foot est devenu la culture dominante. En ce moment, ce ne sont pas seulement les hommes, mais aussi les femmes, les adolescents et les enfants qui mangent, boivent et pensent football. C’est le code de rapports le plus fréquent, peut-être l’unique pour certains, au sein de notre société…Avec la crise économique, la « pelota » qui occupait traditionnellement une position considérable dans la société, est venue combler le vide laissé par le désenchantement et la pauvreté dans une situation de grande pauvreté. Il suffit que Messi laisse trois adversaires sur place avant d’aller marquer pour que le public oublie le climat de misère qui règne dans le pays . »
Finalement on ne peut pas oublier ce que Borges pensait du football,. Il a manifesté plusieurs fois son aversion pour ce qu’il considérait comme un sport ennuyeux et dont il ne supportait pas « l’ignoble esprit de compétition » Il a touché les Argentins avec sa célèbre phrase « le football est populaire parce que la stupidité est populaire. »

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