17 avril 2008

Une journée pour la Mémoire

Le 24 mars, anniversaire du coup d’Etat militaire en Argentine, est depuis 32 ans une journée de mobilisation très importante. Il rejette l’impunité face au terrorisme d’Etat et aux projets sociaux et économiques qui l’ont impulsé. Depuis trois ans cette date est un jour férié en Argentine, devenu Le jour de la Mémoire. Il est indéniable que ce jour fait partie de tout ce que les Argentins ne devons guère oublier, afin de mieux établir notre relation avec le futur, et face à une réparation impossible, la lutte contre l’oubli est celle qui demeure la plus concrète.
Il n’est pas évident de trouver la façon la plus pertinente pour que l’horreur de ces années-là ne soit pas oubliée. Garder le passé est une tâche bien difficile lorsque les signes qui restent de la terreur sont peu nombreux, les coupables s’étant méticuleusement appliqués à effacer toutes les traces et à occulter la vérité.
Or, depuis quelques années, des lieux de commémoration ont été établis en Argentine, comme l’ancienne Ecole Supérieure de la Marine, devenue aujourd’hui le Musée de la Mémoire ou encore un parc construit au bord du fleuve de La Plata en pleine capitale, qui est désormais Le Parc de la Mémoire.
Ces endroits inscrivent les habitants dans la volonté de ne jamais oublier. Ces lieux ont été des cruels témoins de l’horreur : c’est à l’Ecole de la Marine où plus de 5.000 personnes ont été torturées et amenées à la disparition, et c’est dans le fleuve que milles personnes ont été jetées à la mort. Pourtant, il a fallu 30 ans pour que l’Ecole arrête de fonctionner comme école et pour que le fleuve devienne pour les Argentins un lieu de recueil ; tous les deux des demeures à jamais de mémoire.
Au même temps que le pouvoir public a consacré ces sites de commémoration, la lutte pour préserver l es faits semble toutefois incomplète. En observant l’actuel panorama politique et social, nous sommes tentées de nous demander s’il existe vraiment une mémoire des faits qui se sont déclenchés il y a déjà plus de teinte ans.
Il reste toujours inacceptable qu’après tout ce temps, la société continue à réclamer la vérité sur la destinée finale des disparus et que la justice se montre incapable de punir les coupables.
Le Jour de la Mémoire montre une rupture entre le discours et la politique concrète du gouvernement.
Des faits de la dictature semblent se reproduire, comme la disparition depuis 18 mois de Julio Lopez, témoin clé du procès d’un des tortionnaires, Miguel Etchecolatz. Pendant tout ce temps l’Etat responsable des structures de renseignements et de la sécurité du pays n’a pas montré un intérêt particulier à dévoiler les causes de sa disparition et à le retrouver.
Un autre cas, la mort mystérieuse du préfet génocide Héctor Febre, la veille de sa condamnation. Personne ne connaît la cause. Le préfet, à part avoir participé à la Marine aux temps de la dictature, s’occupait depuis quelques années de réprimer, avec les forces de l’ordre, des mouvements sociaux protestataires .
Et que dire de plus du fait que plusieurs complices de la dictature continuent à participer au gouvernement de plusieurs provinces argentines, sans aucune réaction du gouvernement présidentiel face à diverses dénonciations ?
Mais la mémoire n’est pas limitée seulement du côté des Argentins… Un ex-répresseur fait partie du Conseil de Défense français. Il s’agit de Mario Sandoval, connu comme « churrasco » ; nommé récemment Directeur de l’Intelligence Economique, il conseille le président français sur la libération des otages des FARC. Cette « nouvelle perle » du président français, a exercé au sein de la Coordination Féderale pendant la dictature qui fonctionnait comme centre de rétention clandestin et il a également offert ses services à la Marine.
Il résulte qu’il est difficile de lutter pour préserver vif le passé. Combien d’années encore devrons nous attendre, les Argentins, pour que le cri Nunca Mas soit finalement entendu ?
Le jour où de nombreux Argentins se battent pour maintenir le flambeau de la mémoire, il reste des cas face auxquels nous semblons être impuissants, et s’enfoncent dans l’oubli.

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