11 novembre 2008

Voyager, observer... écrire

Dans ce numéro, nous vous proposons une pause autour des textes des voyages de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, présentés lors d’une exposition qui a eu lieu à Paris entre le mois de septembre et début novembre. Une pause pour plonger dans l’esprit incontournable de l’écrivain, duquel nous n’avons pas jusqu’à l’instant osé parler . Des textes, accompagnés des photos des lieux, nous ont facilité le voyage autour de la pensée de l’écrivain, pour que nous vous transcrivions nos appréciations .
En outre, comme nous parlons ce mois-ci littérature, nous voulons laisser une place aux lettres argentines en général et présenter un autre écrivain que nous avons découvert ici à Paris. De cette manière, nous trouvons un lien particulier entre grand nombre d’écrivains, les uns plus connus que d’autres, que c’est voyager, observer et finalement écrire.

« L’Atlas de Borges »

Nous avons envie de parler de Borges depuis très longtemps, mais la complexité et la richesse de son œuvre a à chaque fois repoussé le moment de s’y atteler. Ecrivain hors du commun, Jorge Luis Borges (1899-1986) est l’emblème de la littérature argentine; reconnu comme l’un des pionniers du
« réalisme magique » comme courrant littéraire, il défendait une littérature qui ne se limite pas à calquer le monde ennuyeux dans lequel on vit, mais qui devient fiction.
Le moment de parler de lui est finalement arrivé. L’exposition qui a lieu à Paris depuis début septembre à la Maison de l’Amérique Latine, est l’occasion tant attendue pour plonger dans quelques lignes l’univers d’idées liées au nom de cet écrivain.
Les Argentins en général, nous avons “peur de Borges” , cela fait partie de notre désir et à la fois de notre crainte de pénétrer dans une prose profonde et complexe mais qui décrit comme personne l’âme du « portègne », révélant ainsi l’identité de l’habitant de Buenos Aires. C’est peut être l’angoisse que nous ressentons de ne pas décevoir cet exemple d’esprit exquis que notre écrivain à montré de l’Argentine. “Il y a un avant et un après Borges en littérature”, une phrase qu’on entend souvent dans les milieux littéraires ; mais comment surmonter cette pression intellectuelle?.
Et voilà l’exposition. Elle est un soulagement à cette angoisse d’aborder l’écrivain, car elle dévoile sa partie la plus humaine : sa passion pour les voyages et l’amour envers celle qui l’a accompagné dans beaucoup de coins de la planète et qui est devenu sa femme peu de temps avant sa mort.

« … Au cours agréable de notre séjour sur la terre, María Kodama et moi avons parcouru et fait nos délices de bien des pays, qui ont donné lieu à bien des photographies et à bien des textes. »[1]

C’est avec ces mots du prologue de l’“Atlas” de l’écrivain, que l’exposition L’Atlas de Borges commence, pour plonger le visiteur dans un voyage à travers les villes du monde à l’aide de photos et de textes.
Les photos prises par Maria Kodama sont accompagnées des textes de l’écrivain. Union curieuse de l’image et la parole, comme si l’image ne se suffisait pas à elle même, la littérature vient compléter cet univers magique que l’image parfois ne peut pas décrire, pour sauver l’ennui de réel. Résultat de la fusion qui existait entre ces deux êtres et qui arrive à faire surgir la magie de chaque endroit. Le regard de l’un et la pensée de l’autre, regard et pensée fusionnés dans la particularité portée à chaque lieu.
Ainsi un fleuve de pensées confluent pour donner, par exemple, une description sur une ville comme Genève, où la pensée de l’écrivain s’immisce dans les aspects les plus intimes de la ville, afin de saisir son esprit, son essence, sa simple raison d’exister en tant que telle:

“ A la différence des autres villes, Genève est sans emphase. Paris n’ignore pas qu’il est Paris, Londres la bienséante sait qu’elle est Londres, Genève sait à peine qu’elle est Genève. Les grandes ombres de Calvin, de Rousseau, d’Amiel et de Ferdinand Hodler sont là mais personne n’en parle au voyageur.”[2]

Les textes de l’ « Atlas » nous démontrent qu’ il a regardé, considéré chaque endroit où il a voyagé comme une entité qui parle par elle-même. Son regard d’écrivain s’est posé sur les détails les plus inaperçus de ces endroits, non pas tant du côté esthétique, ce qui intéressait plutôt Borges c’était “la raison d’être”:

“Dans toutes les villes il y a des fontaines mais leur raison d’être sont très diverses. Dans les pays arabes elles répondent à une vieille nostalgie des déserts, où l’on sait que les poètes chantaient la citerne et l’oasis. En Italie, elles semblent satisfaire à ce désir de beauté propre à l’âme italienne”[3]

Ainsi par les textes présentés dans l’exposition, on comprend que la complexité dans la lecture de l’œuvre de Borges ne vient pas de la complication des sujets, mais de sa particularité à regarder ce qui a de plus simple et de pénétrer dans l’essence même de chaque chose. La superficialité, ce que le regard distrait peut repérer, ne lui intéresse pas; ce qu’il veut s’approprier c’est l’intime, le profond, ce sur quoi le regard curieux n’a pas peur de s’attarder.
Tout à coup, cette peur d’aborder l’écrivain disparaît, l’intellectuel nous devient homme, homme sur terre qui ne craint pas à la découvrir.



[1] Jorge Luis Borges, Prologue au livre Atlas.
[2] Jorge Luis Borges, Atlas “Genève”.
[3] Jorge Luis Borges, Atlas “Les fontaines”.

Une place pour un écrivain

Dans ce numéro, La Pause aimerait présenter Guillermo Octavio Carlevaro, un écrivain argentin qui a partagé sa vie entre Buenos Aires et Paris. Un choix de vie caractéristique d’un grand nombre d’intellectuels argentins.
Un jour, Elsa Carlevaro, a contacté La Pause pour nous faire connaître cet homme qui avait plongé dans l’écriture dans différents moments de sa vie. Aujourd’hui, Elsa a réuni les feuilles de son mari et les a éditées dans deux livres.
La Pause voulait donc lui donner une place, pour que ses œuvres arrivent aux lecteurs, qui partagent, comme G.O. Carlevaro et comme cette revue, l’intérêt pour l’Argentine et pour la France, et de cette façon, tous ceux qui s’intéressent et veulent continuer la lecture de cet écrivain puissent le faire.
On a demandé à Elsa de présenter l’ écrivain qui a été son mari, car personne mieux qu’elle ne va savoir nous introduire dans son histoire :

Guillermo Octavio Carlevaro (1929-1968) né à Concordia, une ville de la province d’Entre Rios de l’Argentine. Il a habité ensuite dans la ville de Buenos Aires et dans plusieurs pays européens, parmi lesquels la France. Il a très bien connu les particularités de la vie de la campagne argentine pour après connaître la vie des grandes villes et d’autres horizons, en séjournant dans de divers pays du globe.
Une caractéristique de son esprit : la rigueur dans ses études qui contrastait avec une certaine légèreté face au quotidien. Il avait un esprit sensible, qui aurait pu être caractérisé par la phrase de Knut Hamsum: “Je pourrais mourir par un mot qui soit trop dur”. On peut définir aussi G.O. Carlevaro par des citations des écrivains, que lui même s’ appropriait: “Moi je ris de tout, même de ce que j’aime le plus” de G.Flaubert ou : “Ce qui m’intéresse le plus c’est l’énergie passionnée de la pensée” de Robert Musil . Il a du repousser sa propre écriture par des obligations universitaires et d’enseignement. En attendant le moment d’oisiveté approprié pour s ‘occuper de ses écrits, il a été surpris par son départ définitif et cruel pour tous ceux qui l’ont connu.
Après sa mort, deux livres contenant des pages de ses carnets de notes ont été publiés en son hommage: Saludos[1] et Ciclistas en el aire[2]. Ces livres contiennent des réflexions sur des sujets philosophiques, une certaine perception du quotidien et de l’intimité dans l’interrelation.
Dans Saludos on peut lire: “El tiempo pasa sin darnos cuenta y puede suceder que hasta las cosas más familiares de pronto desaparezcan o se escondan y desde algún lugar nos espíen como a desconocidos. Cuando ocurre me encojo de hombros como ante un hecho contra el que no puedo hacer nada. Tarea inútil; hay un efecto perverso en lo acumulado, tanto es así que nadie da un paso sin consecuencias. . .”[3]
Dans le dos du livre Ciclistas en el aire, nous lisons: « G.O.Carlevaro désacralise la science et fait propre la pensée de Robert Musil, “L’erreur principale: l’excès de théorie” et il nous propose, comme si nous étions des cyclistes dans l’air, des manières différentes de parcourir la pensée. »
Les livres de Guillermo Octavio Carlevaro , Saludos et Ciclistas en el aire, se trouvent dans la bibliothèque du Service Culturel de l’Ambassade Argentine à Paris.

Elsa Carlevaro

[1] Saludos: Ed. Vinciguerra-Buenos Aires, 2001.
[2] Ciclistas en el aire: Ed. Deldragón-Buenos Aires, 2006
[3] Le livre étant en espagnol, nous proposons la traduction suivante de ce fragment : “Le temps passe sans que l’on s’en aperçoive et il arrive que même les choses les plus familières disparaissent d’un coup ou se cachent et nous épient dès quelque part comme à des inconnus. Quand cela arrive, je baisse les épaules comme devant un fait contre lequel je ne peux rien faire. Tache inutile; il existe un effet pervers dans l’accumulation, tel est ce constat que personne ne peut faire un pas sans qu’il y ait des conséquences...”

12 octobre 2008

« Septembre, un mois de lutte et souvenir »

Le mois de septembre nous a amené beaucoup de souvenirs d’une époque noire de l’Argentine. De l’époque dont les disparitions étaient monnaie courant et personne ne pouvait ni demander, ni questionner pour les « disparus » car comme disait Jorge Rafael Videla, chef du gouvernement militaire argentin entre 1976-1980

« Face au disparu, en tant que tel, le disparu est une inconnu. Si l’homme apparaissait, il aurait un traitement X, et si la disparition se muait en certitude de décès, il aurait un traitement Z. Mais le disparu ne peut avoir aucun traitement spécifique : c’est un inconnu, un disparu, il n’a pas d’identité, il n’est ni mort ni vivant, il est disparu ».

Dès cette époque jusqu’à aujourd’hui il y a des questions à résoudre.

AUSENC`AS

Le premier souvenir nous a été apporté par l’Argentin Gustavo Germano, qui s’est présenté à Paris avec son exposition photographique AUSENCIAS.
Dans le cadre de la 61e Conférence des Droits de l’Homme qui a eu lieu au siège de l’UNESCO à PARIS, la Fondation Culture de Paix et la Délégation du gouvernement de la Catalogne en France ont rendu possible pendant une semaine la présence d’« Absences ».
Gustavo Germano habite à Barcelone et c’est de là qu’il a commencé a travailler dans ce projet qu’aujourd’hui partage avec nous.
Cette exposition montre l’avant et l’après de la dictature argentine entre les années 1976 et 1983, mais ce qui manque, ce que le photographe n’arrive pas à montrer avec son appareil photo, c’est « ce qui touche », qui fait penser qu’il y a un vide évident entre ces deux photos de l’avant et l’après.
AUSENCIAS cherche et trouve dans la complicité des familles sa raison d’être. Dans son attitude militante, les familles des victimes revendiquent, en posant devant l’appareil photo, la place qu’il aurait dû occuper. Et dans ce vide, on voit ceux qui ne sont pas là.
"Absences" réveille une prise de conscience de cette brutalité en la rapprochant ou en la faisant « visible » dans le cadre le plus estimé : le quotidien, le cher, l´intime. Ce n´est pas nécessaire d´en montrer plus pour exposer la violence militaire qui a déterminé ce présent quotidien et perpétuel marqué par l´absence de l´être cher. Un présent aussi violent que 30 000 absences qui se multiplient exponentiellement et qui se révèlent dans tous ceux qui sont aujourd’hui présents.
AUSENCIAS est surtout une exposition citoyenne ou de citoyens qui s´exposent. Épouses, frères, belles-sœurs, filles, mères, amis, citoyens et citoyennes qui, un jour, ont vécu l´enfer de la violence exercée, contre eux, par le gouvernement de leur pays. Citoyens et citoyennes qui par leur attitude complice et militante disent : je suis ici pour que tu voies qui n´est plus là, j´exerce la pratique du souvenir pour que le silence ne gagne pas la partie, c´est pour cela que je m´expose et me laisse photographier.

«Jorge Julio Lopéz, deux ans sans nouvelles»

Le deuxième souvenir, c’est plutôt une lutte. Ça fait deux ans qu’a disparu Jorge Julio Lopez et aucune autorité gouvernementale ne répond à cet écho.

Le 18 septembre 2006 Lopez participait en qualité de victime, de témoin et de plaignant au procès pour l’emprisonnement du tortionnaire Miguel Etchecolatz auquel il devait assister. Le problème c’est que jamais Lopez n’est arrivé a témoigner et personne ne l’a vu non plus.
À Paris, à l’occasion de sa deuxième année de disparition, l’association HIJOS Paris, s’est réuni, le 18 septembre 2008 pour réclamer, pour demander que la justice fasse son travail, puisqu’elle n’a pas cherché à résoudre la disparition de Lopez.

Jorge Julio Lopez a disparu comme les 30000 personnes qui ont disparu pendant le gouvernement militaire. La différence c’est qu’après 28 ans, les militaires ne sont plus au pouvoir et qu’aujourd’hui l’Argentine est une démocratie avec un gouvernement qui dit veiller sur les droits humains.

La lutte donc continue, l’exposition AUSENCIAS reflète une réalité qui existe encore quelque part en Argentine. Cependant, aujourd’hui il y a des gens qui peuvent s’exprimer pour ces impunités et qui les condamnent même si les autorités ne le font pas.

On demande pour l'apparition en vie de Jorge Julio Lopez.

16 juin 2008

L'Argentine: encore la crise?

La Pause voudrait cette fois vous rapprocher des problèmes latents actuellement en Argentine. Des sujets qui divisent la société en deux, nous vous introduirons dans la question agroalimentaire qui depuis 3 mois ne trouve pas encore de solution, le gouvernement d’un côté, l’agro de l’autre, et le peuple entre les deux. Un autre problème d’actualité que nous vous présenterons, c’est le nouveau projet Franco-Argentin : « El Tren Bala » (le train balle), qui entraîne de grandes controverses.
Nous vous laissons donc profiter de ce numéro de La Pause qui vous mettra au courant de la situation aujourd’hui en Argentine.
Bonne lecture !

Gouvernement et "campo": le conflit pour le pouvoir

Il est curieux que les médias français n’aient presque fait aucune allusion au choc social et politique que vit l’Argentine depuis environ trois mois.
Des routes bloquées partout dans le pays, de constantes manifestations et même de « cacerolazos », principalement devant le siège du gouvernement. Une grande hausse du prix des aliments ainsi que l’alerte d’un possible désapprovisionnement. Voilà le paysage actuel de l’Argentine.
Mais à quoi cette situation politique et sociale est elle due ? Au mois de mars, le gouvernement a annoncé une nouvelle mesure de rétention vis-à-vis des énormes revenus de l’exportation agroalimentaire. Mesure qui a entraîné une guerre acharnée entre le gouvernement et les patrons de l’agro, le soja étant le produit symbole du marché agroalimentaire.
Il faut savoir que l’Argentine est devenue ces dernières années l’un de principaux exportateurs de soja au monde, ce qui a permis au pays de sortir rapidement de la crise de 2001. Ce marché agricole, soutenu par de grandes multinationales, comme Mosanto entre autres, est devenu la principale source économique du pays. Nonobstant, les entités qui développent le modèle du soja sont en même temps responsables du génocide environnemental de millions d’hectares de bois et de terres, de l’expulsion des paysans et des communautés indigènes , du manque et de la hausse des prix des aliments, de l’intoxication de communautés entières par l’agrochimie et enfin de la déstructuration des économies locales et régionales.
Les grands pools du soja jouissent de privilèges qui se sont multipliés durant l’ère des Kirchner et couvrent aujourd’hui la moitié des terres les plus fertiles du pays. Pendant cinq ans, les gains, qui se chiffrent en milliards, ont été repartis entre les pools et le gouvernement. Aujourd’hui, le conflit pour les rétentions a conduit à un rapport de force entre ces patrons de l’agro et le gouvernement, après qu’il aillent été alliés pendant cinq ans.
Or, la mesure lancée par le gouvernement ne serait pas malsaine , en vue d’une répartition des richesses plus juste : car même si l’Argentine est parmi les plus grands producteurs de grains au monde, une grande partie de sa population continue pour autant à être mal nourrie. Cette mesure pourrait être ce qu’il faut au pays pour alléger la faim, en attendant une vrai reforme du modèle économique, mais la destinée que le gouvernement compte donner à ces gains est pour le moins douteuse.
Un autre point de cette mesure : les rétentions touchent indistinctement tous les producteurs agricoles , ce qui veut dire que les petits producteurs auront du mal à s’en sortir et pourront disparaître au profit des grands producteurs.
C’est ce contexte qui a déclenché le grand conflit qui vit en ce moment l’Argentine ; et même si les médias français n’en ont pas parlé, il reste assez alarmant. La protestation sociale est grande, mais à la fois divisée, car il y a des secteurs qui sont conscients que le problème de fond n’est pas celui des retentions mais d’une absence de plan agricole qui remette en question le modèle du soja implémenté en Argentine.
Il est certain qu’il n’est pas dans l’intérêt du gouvernement et des grands patrons de mettre en cause un modèle qui génère de la faim et une distribution injuste de la richesse ; de l’inflation avec une expansion limitée de la consommation qui favorise seulement les secteurs les plus aisés ; la montée des prix des aliments et des produits de basse et la chute de la croissance et de l’accès à l’emploi, malgré le surcroît de l’économie.
Ce sont tous des points qui ont été oubliés par les « casseroles » des manifestants argentins et par les discours du gouvernement.

Argentine, encore et toujours le mensonge du «premier monde » ?

Le problème du transport en Argentine existe depuis longtemps. Il est vrai que le lien de 2.791.810 de km2 que possède le pays a toujours été un problème pour les gouvernements, qui auparavant avaient mis des voies ferrées en s’endettant auprès de l’Angleterre. Cela a été la cause de beaucoup de problèmes. Mais, néanmoins, l’Argentine avait de trains.
Des années plus tard, avec le gouvernement de Menem, dont le discours soutenait que l’état des trains était en décadence, le réseau ferré a été privatisé. Il est vrai que les trains n’ont jamais bien fonctionné, mais la démarche du gouvernement a obtenu que presque la totalité du réseau ferré disparaisse du pays, les voies inclues. Oui, vous avez bien lu: toutes les voies ferrées inclues.
La réalité aujourd’hui c’est que voyager dans le peu de trains qui restent en Argentine est devenu une odyssée.
Il faut être très courageux ou n’avoir rien à perdre pour oser monter dans un train argentin. Passer un nombre incertain d’heures pour arriver à bon port, ne pas connaître à l’avance les horaires de départ et d’arrivée, et enfin être prêt à voyager serré comme des sardines en boîte.
Le pire de tout ça, c’est que ces conditions touchent les personnes qui ne possèdent pas de transport privé et qui doivent aller travailler n’importe comment pour pouvoir manger le soir.
Les travailleurs, qui représentent la plus grande proportion de la population argentine, et dont la plupart habite dans la banlieue de Buenos Aires, doivent affronter chaque jour les mêmes péripéties. Ce n’est pas facile d’arriver à l’heure au travail, bref, c’est n’est pas facile d’y arriver.
Que fait alors le gouvernement actuel pour trouver des réponses à ce problème de transport ?
Il a apparemment de grandes idées. Sa proposition : un train de grand vitesse qui communique les trois villes les plus importantes du pays - Buenos Aires, Rosario et Cordoba- qui sont d’ailleurs les villes les plus riches du pays et dont les habitants possèdent pour la plupart des moyens de locomotion qui leur sont propres.. Ils n’ont pas besoin de train ni de bus, parce que beaucoup d’entre eux possèdent les derniers modèles de voitures, celles qui vont à 280km/h.
Ce nouveau train coûtera près de quatre milliards de dollars ; un prêt que fait la France à l’Argentine mais curieusement l’inversion va être faite par une compagnie française. Il s’agira seulement de 1000km de voies, sur lesquelles seul ce train circulera car elles ne serviront pas pour les trains communs et ne seront destinées que pour le transport de pasajers. Avec une vitesse moyenne de 320km/h et un billet de 300 ou 400 pesos, soit la moitié du salaire moyen d’un travailleur…
Or, des questions naissent de cette proposition : qui va pouvoir payer ce billet ? pour quel public ce train est-il fait ? L’installation de ce train va solutionner les problèmes de la population qui a besoin d’aller chaque jour au travail et qui n’en a pas les moyens ?
En revanche, la proposition de « Tren para todos » (train pour tous) ; une organisation formée par des ex-cheminots argentins avec une grande partie du peuple qui veut travailler, naît dans l’Argentine latente qui continue à croire « qu'il est encore possible » est la suivante : un train qui parcourra 120 km à l’heure ( 3 fois plus que la moyenne des trains encore en circulation), 3,1 milliards de dollars. 1 milliard de dollar de moins que le TGV, 18000 km de voies reconstruites : 7000 Km de voies pour les trains de passagers et 11000 pour les trains de marchandises. Les billets de train pourraient coûter moins cher que les billets des bus actuels. Le réseau desservirait toutes les zones du pays (Nord Ouest, Nord est, Centre et Patagonie), à toutes les grandes villes et à des centaines de petites villes qui seraient réactivées. La construction de ce réseau utiliserait une technologie nationale et régionale du Mercosur et réactiverait l’industrie nationale.
Finalement, la réponse à cette analyse est claire pour ceux qui veulent que l’Argentine avance et s’agrandisse ; cependant il y toujours une poignée de personnes prêtes à toujours répéter les mêmes erreurs et qui malheureusement est celle qui a le pouvoir de signer pour tous.

Remerciements

Nous remercions Lucia Bley et Manu qui nous ont aidé dans la réalisation de ce numéro!

17 avril 2008

Justice, Vérité et Mémoire!

Le 24 mars dernier, cela a fait 32 ans que l’Argentine a vécu le gouvernement militaire le plus sanglant et dur de son histoire .
Cela fait aussi 32 ans que l’Argentine demande justice, car les procès aux militaires responsables de la terreur n’ont pas encore été conclus. Il reste toujours des causes ouvertes, des personnages sinistres à emprisonner.
L’impunité continue, on est en 2008 et des gens sont toujours disparus sans que le peuple aie des réponses.
Avec ce numéro, La Pause, rejoint tous ceux qu' en Argentine demandent Justice, Vérité et Mémoire.

Une journée pour la Mémoire

Le 24 mars, anniversaire du coup d’Etat militaire en Argentine, est depuis 32 ans une journée de mobilisation très importante. Il rejette l’impunité face au terrorisme d’Etat et aux projets sociaux et économiques qui l’ont impulsé. Depuis trois ans cette date est un jour férié en Argentine, devenu Le jour de la Mémoire. Il est indéniable que ce jour fait partie de tout ce que les Argentins ne devons guère oublier, afin de mieux établir notre relation avec le futur, et face à une réparation impossible, la lutte contre l’oubli est celle qui demeure la plus concrète.
Il n’est pas évident de trouver la façon la plus pertinente pour que l’horreur de ces années-là ne soit pas oubliée. Garder le passé est une tâche bien difficile lorsque les signes qui restent de la terreur sont peu nombreux, les coupables s’étant méticuleusement appliqués à effacer toutes les traces et à occulter la vérité.
Or, depuis quelques années, des lieux de commémoration ont été établis en Argentine, comme l’ancienne Ecole Supérieure de la Marine, devenue aujourd’hui le Musée de la Mémoire ou encore un parc construit au bord du fleuve de La Plata en pleine capitale, qui est désormais Le Parc de la Mémoire.
Ces endroits inscrivent les habitants dans la volonté de ne jamais oublier. Ces lieux ont été des cruels témoins de l’horreur : c’est à l’Ecole de la Marine où plus de 5.000 personnes ont été torturées et amenées à la disparition, et c’est dans le fleuve que milles personnes ont été jetées à la mort. Pourtant, il a fallu 30 ans pour que l’Ecole arrête de fonctionner comme école et pour que le fleuve devienne pour les Argentins un lieu de recueil ; tous les deux des demeures à jamais de mémoire.
Au même temps que le pouvoir public a consacré ces sites de commémoration, la lutte pour préserver l es faits semble toutefois incomplète. En observant l’actuel panorama politique et social, nous sommes tentées de nous demander s’il existe vraiment une mémoire des faits qui se sont déclenchés il y a déjà plus de teinte ans.
Il reste toujours inacceptable qu’après tout ce temps, la société continue à réclamer la vérité sur la destinée finale des disparus et que la justice se montre incapable de punir les coupables.
Le Jour de la Mémoire montre une rupture entre le discours et la politique concrète du gouvernement.
Des faits de la dictature semblent se reproduire, comme la disparition depuis 18 mois de Julio Lopez, témoin clé du procès d’un des tortionnaires, Miguel Etchecolatz. Pendant tout ce temps l’Etat responsable des structures de renseignements et de la sécurité du pays n’a pas montré un intérêt particulier à dévoiler les causes de sa disparition et à le retrouver.
Un autre cas, la mort mystérieuse du préfet génocide Héctor Febre, la veille de sa condamnation. Personne ne connaît la cause. Le préfet, à part avoir participé à la Marine aux temps de la dictature, s’occupait depuis quelques années de réprimer, avec les forces de l’ordre, des mouvements sociaux protestataires .
Et que dire de plus du fait que plusieurs complices de la dictature continuent à participer au gouvernement de plusieurs provinces argentines, sans aucune réaction du gouvernement présidentiel face à diverses dénonciations ?
Mais la mémoire n’est pas limitée seulement du côté des Argentins… Un ex-répresseur fait partie du Conseil de Défense français. Il s’agit de Mario Sandoval, connu comme « churrasco » ; nommé récemment Directeur de l’Intelligence Economique, il conseille le président français sur la libération des otages des FARC. Cette « nouvelle perle » du président français, a exercé au sein de la Coordination Féderale pendant la dictature qui fonctionnait comme centre de rétention clandestin et il a également offert ses services à la Marine.
Il résulte qu’il est difficile de lutter pour préserver vif le passé. Combien d’années encore devrons nous attendre, les Argentins, pour que le cri Nunca Mas soit finalement entendu ?
Le jour où de nombreux Argentins se battent pour maintenir le flambeau de la mémoire, il reste des cas face auxquels nous semblons être impuissants, et s’enfoncent dans l’oubli.

Un jardin à Paris pour les Mères et Grands-Mères de la Place de Mai

On se souviendra du 7 avril 2008 comme le jour où un Comité Argentin, présidente inclue, se baladait dans les jardins de la ville de Paris.
Pour ceux qui ne le savaient pas, cette promenade avait un but.
Paris à offert un espace vert pour commémorer les femmes argentines qui ont lutté dans leur pays pendant les années les plus dures, les plus sanglantes, les années de plombs de la dictature Argentine, de la dictature de Videla.
Après 32 ans de lutte pour la vérité, la mémoire et la justice, ces femmes continuent encore à chercher de réponses concernant le sort des victimes ; vivantes ou mortes, mais des réponses toujours...
La France aujourd’hui, fait un geste de solidarité avec les Mères et Grands-Mères de la Place de Mai et soutient cette lutte, au nom des Droits de l’Homme et de la Condition Humaine.
L’inauguration, qui a été accompagnée de représentants de chaque pays ; dont la participation de la présidente de l’Argentine, Cristina Fernandez de Kirchner, Estela de Carlotto, de l’Association de Grands-Mères de La Place de Mai, Marta Ocampo de Vázquez, de Mères de Place de Mai Lígne Fondatrice, le Maire de Paris, Bertrand Delanoë et Philippe Goujon maire du 15°arrondissement. Les deux premiers ont fait un discours dont l’objectif était de rendre hommage au dur labeur et à l’exploit de leur cause.
Finalement et pour émouvoir les 500 personnes qui écoutaient en silence les paroles de la présidente, Cristina de Kircher a fermé son discours avec une phrase célèbre, « nous sommes tous des fils et des petit-fils des Mères et des Grands-Mères de Place de Mai » et voilà les applaudissements…

Un parc pour la Mémoire

Rarement on se rend dans un parc avec un esprit de recueil et dont la promenade laisse un nœud dans la gorge, taisant tous les mots, étant le silence l’accompagnateur idéal le long du parcours. C’est la sensation que produit la visite du Parc de la Mémoire à Buenos Aires. Il s’agit d’un espace publique crée avec l’objectif de construire, récupérer et préserver la mémoire collective afin de participer à ce que les violations des Droits de l’Homme ne se reproduisent plus jamais.
Ce parc, qui englobe 14 hectares d’espace vert au bord du fleuve de La Plata, à été mis en œuvre en 2001 à la demande d’une commission composée d’organisations de Droit de l’Homme, les Mères et Grands-Mères de la Place de Mai, des familiers des disparus et des membres du gouvernement de la ville de Buenos Aires. L’objectif étant d’obtenir un monument pour rendre hommage aux victimes du terrorisme d’état.
Ce parc a de cette manière une valeur testimoniale unique en Argentine. Il héberge le Monument aux Victimes de la Terreur de l’Etat, formée par quatre stèles donnant la forme d’une coupure, d’une blessure ouverte sur une pelouse qui finit dans le fleuve. Des plaques sur les stèles contiennent les noms des détenus-disparus et assassinés pendant les années qui débutent depuis « le Cordobazo » (1969) jusqu’à la fin de la dictature militaire (1983).
Ce monument est le premier mémorial consacré en Argentine pour rendre hommage aux victimes des années les plus noires du pays. La plaie qu’elle représente marque sur le territoire argentin une douleur qui sera toujours présente. L’idée est de la parcourir et d’arriver jusqu’au fleuve qui a toute la valeur du symbole, car c’est dans ces eaux que les victimes ont été jetées par les « vols de la mort » .
Les corps absents, ce parc rend hommage aux noms de ceux qui se sont battus pour un pays meilleur. De même, des sculptures d’artistes argentins et internationaux sont érigées dans une partie du parc pour que l'art participe également au témoignage.
Il y avait peu d’endroits dans la capitale argentine pour réaliser ce projet, car, comme on entend habituellement, la ville a été bâtie avec la particularité assez troublante de tourner le dos au grand fleuve. Les faits sont là, il faut désormais les regarder en face ; la construction de ce parc fait que pour la première fois la ville de Buenos Aires se retourne face à son fleuve.

Pourquoi le boycott des Jeux Olympiques?

Avant de fermer ce numéro, on ne voulait pas laisser passer l’occasion d’exprimer notre avis sur la polémique qui circule de nos jours sur l’organisation des JO en Chine.
On ne partage pas la volonté qu’ils se fassent en Chine, mais pourquoi ?
Parce que c’est la façon la plus ignoble de montrer comment la vie continue au dos de la répression et des meurtres.
Est-il humain que dans un même pays, cohabitent le spectacle, la joie des quelques-uns avec le désespoir face au silence et à la surdité des autres ?
L’idée qu’ont avancée les organisateurs en disant que les JO viendraient aider à solutionner les problèmes entre Chinois et Tibétains n’est pas logique, pas humaine et encore moins vraie .
On connaît déjà une histoire pareille qui a eu lieu en Argentine dans les années 78 avec une Coupe du Monde sanglante, et malgré quelques efforts de boycott, dans ce cas il s’agissait aussi de certaines organisations françaises qui voulaient arrêter les jeux, l’événement a finalement eu lieu.
Tout était un mensonge, pendant que les pays participants criaient au but, il y avait des centres clandestins de détention qui criaient aussi…mais non pas pour un but.
N’apprend-on pas quelque chose de l’histoire ? Peut-être il y en a certains qui ne veulent pas apprendre parce cela va à l’encontre de leurs intérêts ?
Mais La Pause, ne veut pas que cette histoire sinistre se répète. On appelle à la mémoire, à la vérité, et à la justice. On est pour la vie.

Remerciements:

Nous voulons remercier tout particulièrement les guides du Parc de la Mémoire, pour le temps et les informations qui nous ont accordés. Un grand merci également à Lucia Bley et à Manu qui nous ont aidée dans la réalisation de ce numéro!

25 février 2008

"Itinéraire d'un voyage en Argentine"

Après trois mois, nous reprenons notre travail pour vous offrir quelques impressions qu’on a eues pendant notre voyage en Argentine.
Nous avons commencé la nouvelle année là-bas, et nous avons voyagé dans le nord et dans le sud du pays. Nous avons assisté aussi aux premiers jours du mandat de la nouvelle présidente. Tout ce qu’on a pu prendre pour vous offrir et vous faire connaître à travers La Pause, on l’a apporté.
Maintenant, c’est le moment de recommencer, de partager avec vous ce qu’on a pris en Argentine.
Dans ce numéro, nous allons donc vous faire part de ces sentiments, nous vous proposons un parcours dans la capitale argentine et un voyage dans le nord et dans le sud. Possiblement vous allez voir une différence sur ce que vous pensez connaître de ce pays.
Bonne lecture et bon voyage!

10 décembre 2007, Buenos Aires, Argentine.

Le pays se trouvait animé car la première femme choisie comme présidente par les Argentins, prenait place au siège présidentiel. Nous sommes arrivées au bon moment.
Cela faisait presque trois ans que nous ne nous rendions pas dans notre pays , nous recevions les nouvelles de loin, par les médias et par nos amis.
Ce jour là c’était la Fête de la Démocratie en Argentine, la musique animait la Place de Mai avec des chanteurs connus et aimés par le peuple.
C’est difficile de décrire le choc que produit le fait de revenir dans son pays après un certain temps d’absence, d’une certaine façon on devient étranger dans sa propre terre.
Le discours de la nouvelle présidente rassemblait tout le peuple : « On ne peut pas changer le pays seulement avec un bon gouvernement, il faut aussi une bonne société où les citoyens comprennent qu’avec leur prise de désistions ils sont en train de construire le modèle de société où ils veulent vivre »
Nous eûmes rapidement quelques premières impressions sur cette société tandis que les paroles de Cristina résonnaient encore dans nos esprits: le niveau décadent des médias, des femmes nues affichant la ville de Buenos Aires, ce qui montre cette obsession des Argentins pour le corps et un esprit toujours macho qui considère la femme comme un objet. Etrange contraste pour ce pays qui choisit une femme en tant que chef du gouvernement.
« Un Etat qui a décidé de placer l’éducation comme l’axe fondamental de transformation » continue le discours de Cristina. Nous retrouvons après notre longue absence une société éduquée et façonnée par une émission de télévision quotidienne où, chaque soir, mannequins et vedettes semblent être les mieux placées pour parler de politique, opiner sur l’actualité en banalisant les problèmes sociaux complexes qui traversent l’Argentine. La lutte sociale se voit complètement mise de côté car les dirigeants des luttes, comme c’est le cas d’une célèbre femme « piquetera », dansent sur les plateaux pour le pays entier. Bref, c’est une société animée par le « show » que nous a laissé l’héritage des années de Menen.
Jour après jour, nous retrouvions nos repères dans notre pays, la ville de Buenos Aires était plus propre et mieux aménagée qu’avant; le tourisme étranger avait envahit les quartiers typiques; des grands bâtiments, qui rappellent la ville de Manhattan, décorent les rues d’un des quartiers les plus chics de Buenos Aires. Tout était fait dans la capitale pour que le visiteur oublie qu’il avait à faire à un pays avec de graves problèmes économiques et sociaux.
Les paroles de Cristina continuaient à résonner : « Mais la victoire ne sera jamais atteinte tant qu’il restera un pauvre dans la patrie ».
A première vue, la victoire semblait réussie dans le centre ville de Buenos Aires, on aurait dit que la pauvreté avait été balayée pour qu’on ne la voit pas. Pourtant, les soirs les « cartoneros » continuent à récupérer les déchets, la récollection continue à être, pour tout un secteur de la population, l’unique source de revenus, devant l’absence prolongée de travail formel. Ils sont mieux organisés qu’avant, c’est sûr, mais c’est toujours triste de réaliser qu’un Argentin se trouve obligé de faire ce travail.
Il était parfois difficile de se déplacer dans la ville, car les rues étaient souvent coupées par des piquets qui sont devenus aujourd’hui la forme de protestation la plus répandue en Argentine, mais qui divisent la population en une classe basse de plus en plus contestataire et une classe moyenne qui en a marre de cette contestation car elle s’en voit victime.
Les prix ont augmenté considérablement ce qui laisse à croire que l’Argentine n’est plus un pays bon marché comme il l’a été ces derniers années. Mais l’inflation est alarmante, et l’Argentine est devenue un pays difficile à vire pour les Argentins.
Le paysage d’opulence de cette ville est parfois brouillé par des images de misère, comme le cas d’un « cantine communautaire » qui se trouve à Puerto Madero, le quartier le plus chic de Buenos Aires. De cette manière les pauvres rappellent leur présence, dans un climat touristique et riche, ce maudit voisinage entre la faim et l’opulence.
Nous avons retrouvé une ville fracturée de plus en plus entre richesse et pauvreté, où les deux ne se croisent que très rarement.

L'Argentine: du nord au sud




La route 40 traverse toute l’Argentine, c’est vrai qu’il y a des morceaux où son accès n’est pas aisé , cependant le but de cette route est de réaliser 4.900 km du nord au sud, de pouvoir se rendre de la Patagonie jusqu’à la Quiaca.
Au fur et à mesure qu’on traverse l’Argentine, on se rend compte des différentes cultures qui peuvent cohabiter dans un même pays.
Pour tous ceux qui connaissent Buenos Aires et qui croient avoir connu l’Argentine, c’est l’heure de vous révéler la vérité.
L’Argentine est beaucoup plus que Buenos Aires, la capitale représente certains aspects du pays, mais pas tous.
D’ailleurs, les paysages du nord-ouest argentin se comptent parmi les plus merveilleux du monde.
La diversité de couleurs accompagne tout le voyage, le vert qui naît à Tucuman, se transforme en rouge et soudain une même colline peut comporter sept couleurs.
Lacs, vignes, montagnes, collines, vallées, ravins, cactus, llamas, chèvres, ciel bleu, « tamales », « humitas », « empanadas », guitare, « zamba », « chacarera », et « peñas », tous ces mots bizarres habitent le nord-ouest argentin. Par contre, on ne voit pas de vaches, ni de « milongas » ni de « tango ».
Les visages des gens ressemblent d’avantage à ceux des habitants du Pérou ou de la Bolivie qu’à ceux des « portenos » de Buenos Aires.
Dans la physionomie et dans la manière de vivre, les gens du nord possèdent encore beaucoup de traits qu’ont laissé en héritage les aborigènes qui habitaient autrefois cette zone.
C’est incroyable comment les codes, les habitus, les goûts, peuvent varier autant au sein d’un seul et même pays.
Il faut connaître l’Argentine du nord au sud pour pouvoir parler d’elle.



Le Nord et le Sud de l’Argentine sont comme deux pôles qui opposent deux pays différents. Ainsi, tandis que voyager dans le Nord nous rapproche d’une culture autochtone de l’Amérique Latine, la Patagonie nous plonge dans une terre de la dépouille .
Les campagnes des militaires menées dans le XIXè ont réussi le massacre des différentes tribus indigènes qui peuplaient autrefois le sud du pays, dont le but était d’avoir la domination complète de ce territoire. Il reste donc peu de traces aujourd’hui de ces habitants qui se trouvent isolés dans de petites « réserves » dans les terres les plus profondes de cette région. Ce massacre à fait de ce territoire un véritable désert qui a finit par accueillir différentes communautés de l’Europe. Tel est le cas des Gallois qui s’y sont installés au milieu de XIXè, poussés par le désir de liberté et celui de vivre loin de l’oppression anglaise dont ils étaient victimes. Il y a en Patagonie beaucoup de « villages Gallois » où on peut apprécier et « déguster » leurs traditions. Cette communauté a trouvé une terre de liberté et elle a établit des liens d’amitié avec les tribus indigènes, fondés en partie sur un point commun : être victimes de la domination.
Mais la Patagonie a accueilli aussi des habitants beaucoup moins sympathiques, comme c’est le cas des militaires nazis reçus par le gouvernement de Péron après la Deuxième Guerre Mondiale. Ils cherchaient bien sûr un autre type de liberté que celle des Gallois, car l’isolement de ces terres était sans doute la cachette idéale et ses paysages le site rêvé pour calmer une conscience chargée.
La dépouille continue toujours en Patagonie, terre qui ne se lasse pas d’accueillir des inconnus. Aujourd’hui elle s’exprime par la vente sans limite des terres à des milliardaires du monde entier, qui sont devenus les nouveaux terriens de grandes extensions du Sud Argentin.
Voyager en Patagonie c’est aussi plonger dans un paysage des bois et des lacs, coloré par une mythologie des gnomes, habitants magiques des bois. Tout un univers enchanté qui fait oublier la triste destinée de ces terres.
Quand on est en Patagonie, on ne sait pas exactement où l’on est, terre qui n’appartient à personne, et à la fois à tant de communautés.
Ainsi, tandis que le Nord représente la culture et les traditions de nos indiens, le Sud est quant à lui le symbole de cette rare fusion entre ouverture, paysages de rêve, massacre et dépouille des terres .
Patagonie, terre de dinosaures, de gnomes, de désert, de lacs, de montagnes, de bois ; terre où on trouve à la fois tout et rien .

Remerciements

Dessin réalisé par Ricardo Mosner. Nous remercions également Lucia Bley qui nous a aidé dans la réalisation de ce numéro!